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« Le Blick, la Schweizer Illustrierte et L’Illustré ont violé la sphère privée des familles »

Dans une prise de position publiée à fin décembre, le Conseil suisse de la presse épingle les trois journaux qui avaient étalé les images des victimes d’accident de car près de Sierre. Comme l’indique La Cité (11.1.2013), la prétendue fonction « d’accompagnement » dans le deuil que s’attribuent ces journaux n’est, à l’évidence, pas extensible à souhait. Extraits du texte.

Les faits. Le 13 mars 2012, vingt-huit personnes, en majorité des enfants, trouvent la mort dans un accident de car dans un tunnel de l’autoroute A9 près de Sierre. […] Le 16 mars 2012, le Blick annonce à la une : « Pour tous les enfants décédés lors du drame du car en Valais, le Blick explique l’histoire d’Emma ». La photo de la fillette est publiée en grand format. Les pages 2 à 4 relatent en détail l’acci­dent, par le texte et l’image. […] Le lendemain, le Blick raconte en page 4 l’histoire d’« Andrea », qui a survécu à l’accident mais est gravement blessée. Andrea apparaît deux fois, seule et avec son grand-père […] Une autre double page est à nouveau consacrée par le Blick à des images d’enfants décédés. […]

Le 19 mars 2012, la Schweizer Illustrierte publie à la Une les portraits individuels (avec leur prénom) de quinze des enfants décédés, et rend compte sur 22 pages, par le texte et l’image, du «drame du car ». […]
Le 21 mars 2012, L’Illustré publie un reportage comparable à celui de la Schweizer Illustrierte, sur 26 pages. La une montre des portraits serrés de l’ensemble des vingt-deux enfants décédés lors de l’accident, et cite également leurs prénoms dans la légende. […]

Considérants. Le chiffre 7 de la « Déclaration des devoirs et des droits du / de la journaliste » fait obligation aux journalistes de respecter la sphère privée de toute personne à moins que l’intérêt public n’exige le contraire. […]

Les rédactions de L’Illustré et de la Schweizer Illustrierte avancent à juste titre ne pas avoir publié d’images « horribles » de l’accident, ni présenté des victimes de manière sensationnelle, dans laquelle la personne humaine est dégradée au rang d’objet (directive 8.3 relative à la « Déclaration »). Le Conseil de la presse ne relève pas de violation du chiffre 8 de la « Déclaration ».

Dès lors, la question essentielle en la matière est de savoir si les reportages (illustrés) des trois médias sur l’accident du car à Sierre sont compatibles avec le chiffre 7 de la « Déclaration » (sphère privée). Le Conseil de la presse constate d’autre part que les illustrations publiées par le Blick, L’Illustré et la Schweizer Illustrierte sont de nature et de sources diverses et que dès lors elles soulèvent sous l’angle de la protection de la sphère privée des questions de déontologie différentes : – une partie des photos a été mise à disposition par les familles de certaines des victimes de l’accident ; – d’autres photos d’enfants décédés étaient exposées à la chapelle ardente de Lommel et ont été reproduites sur place ; – une troisième partie des images provenait d’un blog du camp de ski. (...)

On peut présumer, s’agissant des photos mises directement à disposition par les familles des victimes, que ces dernières approuvaient ce faisant leur publication. Certes, le Conseil de la presse ne peut, au vu des informations dont il dispose, savoir si les familles étaient encore sous le choc immédiatement après l’acci­dent tragique, et si donc elles étaient à même de se rendre compte de la portée de leur acquiescement. Quoi qu’il en soit, la prise de contact avec les proches par des journalistes si vite après l’accident soulève, à tout le moins, des questions.

Dans sa prise de position 3 / 2012, le Conseil de la presse avait précisé qu’il n’était pas interdit aux médias, compte tenu de l’intérêt public, d’enquêter sur les dessous d’un accident. Mais il ajoutait qu’il est disproportionné et outrepasse ce qui est déontologiquement admissible qu’une rédaction, suite à un accident, scrute systématiquement l’environnement privé des personnes concernées (prise de position 70 / 2012). […]

Nonobstant la question de savoir comment les médias ont amené certaines familles à leur laisser des photos, il convient de tenir compte du fait que les gens réagissent diversement à des événements tragiques et à des coups du destin. Alors que nombreux sont ceux qui ne demandent qu’à être laissés en paix avec leur deuil, d’autres aspirent à partager et communiquer leur douleur et à permettre à d’autres de prendre part à leur deuil. Dans un cas comme celui de l’autocar de Sierre, précisément, et alors que les familles et proches sont encore sous le choc d’un événement, une autorisation ne peut être considérée sans autre comme acquise. Pour publier les photos de l’ensemble des victimes de l’accident du car, il ne suffit pas d’obtenir l’accord des parents d’« Emma » et d’« Andrea » comme l’a fait le Blick. De même, L’Illustré ne peut conclure des contacts de son correspondant en Belgique « avec quelques familles » que toutes les familles sont d’accord avec la publication du nom et de la photo de leur enfant décédé. […]

Conclusions. Le Blick, la Schweizer Illustrierte et L’Illustré ont violé le chiffre 7 de la « Déclaration des devoirs et des droits du / de la journaliste » en publiant certaines photos des enfants victimes de l’accident du car de Sierre sans [qu’]aucune autorisa­tion explicite de la part des familles en deuil n’[ait] été obtenue.

2. Les journalistes sont en droit de montrer des photos de victimes mortes d’un accident de la route, pour autant que les proches autorisent explicitement leur publication.

3. Même si des photographies de victimes sont accessibles au public dans une chapelle ardente et lors de cérémonies funèbres, les rédactions ne peuvent dans leur reportage mettre en évidence par l’image certaines victimes sans l’accord explicite des proches. Cet accord ne peut être présumé.

4. Les médias ne peuvent diffuser sans conditions des images reprises sur un blog, et ceci même si le blog est accessible au public sans droit d’accès. On ne peut en effet en déduire que les images sont accessibles et reproductibles pour un compte rendu médiatique dans un tout autre contexte.

5. La sphère privée des personnes impliquées – à moins qu’il ne s’agisse de personnalités connues et que le compte rendu ne se trouve en rapport avec leur activité publique – doit être respectée aussi lors d’accidents spectaculaires, de crimes et de catastrophes.

Intégralité du texte de la prise de position consultable sur : presserat.ch/_73_2012_htm

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