Artikel

Une commission pour secouer le Conseil fédéral

Le 21 novembre 2012, le Conseil fédéral créait la Commission fédérale des médias. Lors de sa séance du 27 mars 2013,il en a élu les 13 membres. Enjeux autour de cette commission qui prendra ses fonctions au cours de l’été.

Le Conseil fédéral n’a jamais ­voulu entendre parler d’une politique des médias digne de ce nom. Il s’est contenté de sa compétence de régulateur de la radio et de la télévision, abandonnant la presse aux seules forces du marché, et il fait de même pour les nouveaux médias en ligne. Même la modeste aide accordée à la presse – sous forme de réduction des tarifs d’acheminement des journaux – est menacée. Car le programme de consolidation et de réexamen des tâches (CRT) prévoit sa suppression pure et simple, alors que le Parlement l’avait revalorisée il y a deux ans et souhaite en assurer la pérennité. Une telle attitude est typique du Conseil fédéral, tout comme il est typique du pouvoir législatif de s’impatienter de la passivité du pouvoir exécutif. Le Parlement refusera la suppression proposée de l’aide à la presse, de même qu’il a refusé les conclusions hâtivement tirées par le Conseil fédéral, après avoir financé plusieurs études sur la diversité des médias.

Le gouvernement suisse avait certes pris bonne note des conclusions scientifiques montrant que les marchés parviennent de moins en moins à garantir une offre de médias conforme aux besoins d’une démocratie, mais il souhaitait leur laisser quatre années supplémentaires pour corriger ces défauts. En exagérant à peine, c’est comme si l’on avait chargé l’industrie du tabac de combattre le cancer du poumon. Alors que le Conseil fédéral restait fidèle à sa devise de ne rien faire, le Parlement a réaffirmé sa position plus politique. Il veut que le gouvernement lui soumette un concept montrant comment se présenterait en Suisse un paysage médiatique réellement démocratique, et par quels moyens il serait possible d’y parvenir. Autrement dit, le Parlement oblige le Conseil fédéral à retrousser ses manches. Cette situation a beau ne pas être idéale pour mettre en place une politique des médias digne de ce nom, elle correspond mieux à la réalité que le laisser-faire du Conseil fédéral.

Et c’est là qu’intervient la nouvelle Commission fédérale des médias. Elle est chargée d’apporter au Conseil fédéral les compétences techniques et les idées qui lui manquent. Il est donc juste qu’elle agisse en tant que commission d’experts et organe consultatif, plutôt que comme groupement prépolitique. D’où l’espoir et l’attente qu’elle fasse preuve de moins d’œillères idéologiques que le Conseil fédéral et qu’elle lui esquisse une véritable politique intégrée des médias. Cette dernière devra être mise au point dans un objectif d’égalité démocratique et englober les quatre mass media (radio, TV, presse, médias en ligne). La Suisse est une démocratie directe aux principes fédéralistes. D’où la nécessité que les citoyen·ne·s soient bien informés et capables de prendre des décisions à tous les échelons étatiques. Les mass media jouent un rôle-clé dans la formation de l’opinion et de la volonté populaires. Ils doivent présenter la diversité et la qualité souhaitées, pour que le souverain puisse s’acquitter de sa tâche. Une politique des médias propice à la démocratie veillera, avec la bonne combinaison d’interventions législatives et d’économie de marché, à ce que l’indispensable offre journalistique soit dûment produite.

Le 27 mars, le Conseil fédéral a élu 13 représentant·e·s qui siégeront à la Commission fédérale des médias. Le communiqué souligne l’attention portée à l’équité dans la nomination des représentant·e·s. En tant que personne choisie pour cette tâche importante, je porte la responsabilité des trois minorités que je représente.

J’assume tout d’abord celle des salarié·e·s, plus précisément celle des journalistes. Ils ont assisté ces dix dernières années à un démantèlement progressif de leurs droits professionnels. Il m’est impossible d’indiquer ici toutes les difficultés rencontrées par les diverses catégories de journalistes actifs sur notre territoire. Mais, d’une manière générale, la perte des CCT (en Suisse alémanique et au Tessin) a provoqué une stagnation des salaires. Avec pour conséquence que les journalistes sont toujours plus nombreux à abandonner le monde de l’information pour se réorienter vers celui des relations publiques. Quant aux free-lance, nombre d’entre eux ont dû renoncer à leur profession en raison de revenus insuffisants.

La concentration des moyens de communication entre quelques groupes éditoriaux remet sérieusement en question la pluralité de l’information. Or la presse, même si elle rencontre des difficultés, est nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie. Raison pour laquelle il est urgent de se pencher sérieusement sur ce qu’il advient de l’information aux quatre coins de la Suisse. Dans cette optique, la seconde minorité que je représente, à savoir le Tessin, revêt toute son importance. Des problèmes communs se retrouvent sur tout le territoire : la diminution des annonces publicitaires et, par conséquent, la réduction du financement des moyens d’information. Le Tessin a ses spécificités. Canton italophone mis sous pression par l’Italie voisine, il a toujours représenté une sorte de « Sonderfall » pour les journaux locaux, dont le rôle est de maintenir un délicat équilibre pour offrir une information respectueuse de la politique et de la société.

La troisième minorité est celle que je représente, celle des femmes. Au niveau démographique, on ne devrait pas parler de minorité. Mais dans le monde du travail, les femmes en deviennent hélas une. Elles se font rares dans les postes de direction – autant dans la finance que dans le monde du journalisme. C’est donc consciente de ces minorités que je siégerai à la première séance de la Commission des médias. Mais ce ne sera qu’un point de départ. Car le défi qui nous attend toutes et tous est ambitieux et exigera une grande ouverture d’esprit.

Barbara Bassi, rédactrice de la version italophone de syndicom, le journal ; secrétaire syndicale ; journaliste ; membre de la Commission fédérale des médias

Informiert bleiben

Persönlich, rasch und direkt

Du willst wissen, wofür wir uns engagieren? Nimm Kontakt zu uns auf! Bei persönlichen Anliegen helfen dir unsere Regionalsektretär:innen gern weiter.

syndicom in deiner Nähe

In den Regionalsekretariaten findest du kompetente Beratung & Unterstützung

Jetzt Mitglied werden