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Les patrons de presse rusent

Il y a trois ans, les associations de journalistes ont déposé plainte contre les éditeurs Ringier, Tamedia et NZZ parce qu’ils ne saisissaient pas le temps de travail à la rédaction. Qu’en est-il aujourd’hui ?

 

En 2014, dix ans après la résiliation en Suisse alémanique de la convention collective de travail par l’association Schweizer Medien, syndicom et impressum attiraient l’attention sur la dégradation extrême des conditions de travail en portant plainte contre Tamedia, Ringier et la NZZ auprès de l’inspectorat zurichois du travail : tous trois avaient renoncé à la saisie du temps de travail à la rédaction – une violation de la loi sur le travail. Selon cette loi, tous les salariés, à l’exception des cadres, doivent saisir leur temps de travail exact (voir l’article ci-contre).

Heures sup’, travail supplémentaire, c’est quoi ?

« La saisie elle-même n’est pas une fin en soi », précise à ce sujet Stephanie Vonarburg, secrétaire centrale de syndicom. Mais c’est seulement ainsi que l’on peut savoir combien d’heures supplémentaires ou quelle quantité de travail supplémentaire a été effectuée. On parle de travail supplémentaire si le temps de travail maximal légal de 45 heures hebdomadaires est dépassé. A la différence des heures supplémentaires qui peuvent être simplement exclues par contrat, le travail supplémentaire doit nécessairement être compensé. « Sans la saisie, les salariés ne peuvent pas produire les preuves requises », affirme Stephanie Vonarburg.

La loi doit permettre la protection de la santé des salariés. Un objectif dont, selon Peter Maier, directeur de l’inspectorat du travail de la ville de Zurich, les entreprises elles-mêmes ont maintenant reconnu le bien-fondé : « Les entreprises remarquent qu’il n’est pas mauvais qu’elles se soucient des salariés. Des collaborateurs reposés travaillent tout simplement mieux. »

Quelle est la forme actuelle de la saisie du temps de travail chez les trois éditeurs mis en cau­se ? On peut la résumer ainsi : Ringier ne saisit toujours pas le temps de travail, mais veut le faire sans tarder. Chez Tamedia, le temps de travail est saisi partout, mais le processus est lourd. Et la NZZ utilise un système qui présente une faiblesse juridique.

Peter Maier ne peut donner aucune information sur l’état de ses inspections. Il peut seulement dire qu’il s’est rendu dans les entreprises correspondantes et a effectué les contrôles requis ainsi qu’il le fait à chaque plainte.

Entre-temps, la loi sur le travail a été adaptée, et ce, notamment sous la pression des milieux économiques : des exceptions à l’obligation de saisie sont possibles depuis le début de 2016. L’une d’entre elles est le renoncement pour les salariés qui gagnent plus de 120 000 francs par an et travaillent de façon autonome.

Saisie simplifiée

Les syndicats ont pu faire en sorte que les personnes concernées doivent accepter expressément cette disposition et que les conditions-cadres doivent faire l’objet d’une convention stipulée dans une CCT. L’autre exception, la « saisie simplifiée du temps de travail », permet aux employés de renoncer à l’établissement d’une liste détaillée des heures effectuées et d’indiquer uniquement le total ainsi que le travail de nuit et le travail dominical. Cette disposition doit faire l’objet d’un accord avec une commission du personnel ou une commission d’entreprise et est contrôlée paritairement.

Pas encore de saisie au Blick

Seul Ringier a opté pour cette variante. Il a été décidé, au cours des négociations menées par l’éditeur avec la représentation du personnel et les syndicats, que l’accord entrerait en vigueur au plus tard en avril 2017. Jusqu’à présent, il ne s’est rien passé de tel dans le newsroom. Aujourd’hui, aucun(e) salarié(e) ne saisit le temps de travail et il n’existe aucun système lui permettant de le faire lui-même ou elle-même.

La saisie simplifiée du temps de travail et la convention d’entreprise avec syndicom seront appliquées au cours des prochains mois, assure Lydia Zollinger, directrice RH compétente pour le groupe Blick : « Nous examinons actuellement la possibilité de simplifier le processus pour les salariés. Nous collaborons, à cet égard, avec syndicom. »

A l’exception du groupe Blick, Ringier a introduit la saisie du temps de travail. « Les expériences des premiers mois montrent que les systèmes ne supportent pas intégralement les dispositions stipulées par le règlement », précise Lydia Zollinger. En raison des heures de travail irrégulières, des déplacements, des événements et des interventions de week-end, le mode de travail des journalistes diffère fondamentalement de celui des employés d’un éditeur. La rédaction, cependant, précise que l’introduction d’un système de saisie identique n’a même jamais été projetée. Pour les journalistes, on est toujours parti du principe que la saisie serait effectuée avec une application.

Stephanie Vonarburg, secrétaire centrale, regrette que le but ne soit pas encore atteint après des signaux positifs et plusieurs rondes de négociations avec Ringier. Elle souligne que le problème n’est pas seulement que des mouvements du personnel qui ont eu lieu chez Ringier ont retardé l’introduction des dispositions mais que, jusqu’à présent, l’éditeur n’a pas encore voulu se prononcer sur une nouvelle date initiale. Une prochaine rencontre avec Ringier est fixée pour la fin juin ; « Nous espérons que ces questions seront alors éclaircies », ajoute-t-elle. Un sondage dans la newsroom a d’ailleurs montré qu’une majorité des salariés souhaite la saisie ; ce que Lydia Zollinger relativise : « L’analyse du sondage a indiqué que les partisans et les adversaires s’équilibrent approximativement. » Cependant, une nette majorité souhaite un système aussi simple que possible : « C’est sur cette base que nous recherchons une solution. »

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