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Putain de sales guerres

Un carnet, qui, trente ans après, ressorti d’un coin de bibliothèque, vient nourrir un nouveau carnet. Un carnet de notes, avec quelques dessins, d’où s’extrait, trente ans plus tard, une conversation intime, pour devenir une bande dessinée. Dans les années 1980, René, le père, a transmis à son fils Jacques, sur trois petits carnets, ses notes de guerre. Ses douloureux souvenirs de prisonniers. Il a accepté de revêtir ce costume si lourd du « vaincu ». Celui qui n’a servi à rien. La seconde guerre mondiale à peine commencée, douze jours seulement de conduite de char, quelques tirs, et les Allemands qui, un 22 mai 1940 au matin, emprisonnent, envoient dans des trains, enferment dans des camps. Pour cinq ans. Une guerre même pas menée. Une guerre subie. Humiliation suprême. Et la colère envers un système, un Etat, un pays, qui se croyait si fort, plus fort, et qui ne fut capable, durant trop longtemps, que de débandade, soumission et petits arrangements avec l’ennemi. Une guerre inutile, comme toutes les guerres qui reviennent, et reviennent, comme s’il y avait encore quelque chose que l’on cherchait à comprendre. Jacques Tardi a beaucoup dessiné la guerre mais cette fois il dessine la guerre de son père, dans laquelle résonne celle de son grand-père, « une boucherie d’une brutalité inouïe ». Celle de toute une famille, celle d’une histoire dans l’Histoire. Il s’y dessine avant sa naissance pour entamer avec ce paternel antimilitariste et râleur disparu en 1986 un dialogue attachant et fin qui fait remonter au cœur le dégoût de mille vies perdues, jetées à la boue, à la nuit, au silence et à la misère. Il y pose ses questions d’enfant. « Papa, ça coûte cher un tank ? », « l’idée de crever carbonisé, coincé dans ce truc, ça te foutait pas les jetons ? » Il recueille des détails, la longueur des jours, la faim, le poids du déshonneur. On n’entre pas dans cet ouvrage en légèreté et l’on en ressort peut-être plus attentif encore à ces quelques mots, écrits aux premières pages : « Ce que je voyais nettement, c’est qu’on allait remettre ça. »

Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B, Jacques
Tardi. Casterman, 2012, 43 fr. 30

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