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Trois questions à Ludovic Rocchi

 

Comment avez-vous vécu cette intrusion ?

Ludovic Rocchi : On ne peut la vivre que mal, même si en tant que journaliste d’enquête, on est conscient que des plaintes peuvent nous tomber dessus. C’est un risque, c’est normal que des gens nous attaquent. Par contre, ce qui est inacceptable et qui m’a touché, c’est que l’on s’en prenne à mon épouse, qu’on l’inter­roge sans lui lire ses droits, qu’on fouille notre domicile conjugal de fond en comble, jusqu’aux tiroirs de lingerie. C’est pathétique et déplacé. Où est la limite ? Pourquoi mon épouse et pas toute ma famille ? C’est une leçon pour moi. Désormais, je vais mettre en place des mesures de sécurité systématiques pour protéger mes sources.

As-tu des craintes pour la liberté de la presse ou est-ce un cas isolé ?

C’est difficile à dire. Est-ce que cela va inspirer d’autres procureurs en Suisse ? Il faut attendre de voir qui va gagner devant le tribunal. Si on gagne, ça redonnera un signal plus rassurant et plus positif pour préserver le secret des sources, inscrit dans la Constitution. Le mal est fait d’un point de vue personnel, mais pour ce qui est des principes, on a encore l’espoir de les remettre à l’endroit.

Qu’y a-t-il derrière cette histoire ?

A tête reposée, je vois deux choses. La première, c’est que le procureur a affaire à une plainte standard, qui ne repose pas sur des preuves accablantes. Je trouve hallucinant la rapidité et la facilité avec lesquelles il s’est laissé convaincre que j’avais violé le secret de fonction ; et que le prétendu complot évoqué par le professeur de l’Université de Neuchâtel soit pris pour argent comptant alors que les enquêtes administratives du gouvernement ne sont toujours pas sur la table. La seconde, ce sont les arguments exprimés dans la presse par l’avocat du plaignant et divers politiciens neuchâtelois disant qu’il y a eu trop de fuites dans le canton. Il faut donc faire un exemple. Avec moi, sans doute parce que j’ai sorti de nombreuses affaires. On cherche à faire peur aux gens pour qu’ils ne parlent plus à la presse !

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