De l’ombre à la lumière
Personne ou presque dans le landerneau politico-médiatique ne connaissait Susanne Ruoff, un peu surprise de passer du jour au lendemain de l’ombre à la lumière. Surprise, mais pas déstabilisée. « Cela demande quelques efforts, mais je m’y étais préparée. Nous vivons dans une société où la communication joue un rôle de plus en plus important. Il faut l’accepter ! », souligne-t-elle dans un français plus que correct.
Une médiatisation d’autant plus attendue qu’elle sera la première femme à diriger en Suisse une entreprise publique aussi importante. « Que la presse ait tellement insisté sur le fait que je sois une femme est tout de même assez révélateur : tout le monde n’est pas encore habitué à voir une femme occuper des fonctions aussi importantes dans une entreprise. Mais j’ai été choisie en raison de mes compétences », dit-elle. Et dire que jusqu’en 1972, les femmes n’avaient pas le droit d’accéder à la filière cadre de l’entreprise…
Pas une carrière à La Poste
Des compétences, Susanne Ruoff ne doit sans doute pas en manquer. En tout cas, son curriculum vitae est plutôt enviable : diplôme d’institutrice, puis d’économiste (Executive MBA) décroché à l’Université de Fribourg avant d’autres titres universitaires. Depuis 1989, Susanne Ruoff multiplie les postes de dirigeante. Durant plus de vingt ans chez IBM Suisse, dans les domaines du marketing, de la vente et des services pour être finalement membre de la direction IBM et responsable de l’activité Global Technology Services. Et depuis avril 2009, elle a repris la direction de BT Switzerland (British Telecom). « Je n’ai pas le sentiment qu’être femme a été un obstacle dans ma carrière, même s’il a fallu parfois se battre un peu plus que les autres », poursuit-elle.
« Perle du digital »
La candidature de Susanne Ruoff a finalement été retenue parmi 200 autres au terme d’un processus de sélection ayant duré huit mois. Lors de la conférence de presse annonçant sa désignation, le président du conseil d’administration de La Poste Peter Hasler n’a pas été avare en compliments : « Il est fascinant d’avoir trouvé une perle qui se sent chez elle dans le monde digital. La maîtrise de notre avenir électronique est fondamentale pour notre entreprise », a-t-il notamment déclaré.
Celle qui, enfant, rêvait de devenir pilote, sera-t-elle donc le grand artisan du virage numérique de l’ancienne régie fédérale ? « Je ne veux pas encore entrer dans des considérations stratégiques », prévient-elle. « Mais il est évident que le numérique occupe et ne cessera d’occuper une place de plus en plus importante dans notre vie et nos comportements. Si nous voulons rester compétitifs, nous devrons être capables de faire face aux défis annoncés. »
Les clients et les salariés
Les clients seront au cœur de ses préoccupations, a-t-on pu lire dans la presse au lendemain de l’annonce de la nomination de Susanne Ruoff à la direction de La Poste. « Mais il est évident que les employés de La Poste le seront aussi », précise-t-elle. « Les deux sont liés pour avoir du succès : avec de bonnes conditions d’embauche, les employés font le plus souvent bien leur travail. Et s’ils travaillent bien, les clients sont satisfaits. »
Et les syndicats – en particulier syndicom ? « Il ne fait aucun doute que je les considère comme des partenaires à part entière, comme par exemple aussi les autorités politiques », promet-elle. « En ce sens, je m’engage à privilégier le dialogue. » Mais elle se sent attendue au tournant. Surtout si la situation économique incertaine devait aussi dans quelques mois avoir des conséquences négatives pour une entreprise publique telle que La Poste. Autre question potentiellement délicate : le salaire que touchera la future directrice de La Poste. Selon le rapport de gestion de La Poste Suisse, l’actuel CEO du géant jaune Jürg Bücher a gagné l’an dernier un total de 847 175 francs. « Quand on voit ce qui s’est passé récemment dans certaines banques, je comprends que la discussion sur les rémunérations des managers puisse avoir lieu », lâche Susanne Ruoff.
Susanne Ruoff vit, depuis plusieurs années, à Crans-Montana avec son époux et ses deux enfants de 18 et 19 ans. Une station où elle s’adonne régulièrement à ses deux passe-temps favoris, la randonnée et le ski. « Mais j’y adore surtout son calme et la pureté de l’air. Le Valais a une nature qui me rafraîchit l’esprit », précise celle dont le mari a choisi durant plusieurs années d’arrêter de travailler pour être homme au foyer. « Ce n’est peut-être pas dans la norme, mais je connais beaucoup d’hommes qui aimeraient être dans son cas. En tout cas, je trouve important que les couples qui le souhaitent puissent faire de tels choix ! »
Mohamed Hamdaoui, responsable de la communication à syndicom