L’essentiel en bref


  • Bruxelles exige une annonce plus rapide : L’UE souhaite réduire de 8 à 4 jours le délai d’annonce des travailleur-euses détaché-es en Suisse.
  • Un système sous pression : Syndicats et commissions paritaires dénoncent une charge administrative déjà trop lourde pour organiser des contrôles efficaces sur les chantiers.
  • Des risques accrus d’abus : La réduction du délai pourrait affaiblir la surveillance des conditions de travail, favoriser la sous-enchère salariale et nuire à la sécurité.
  • Des sanctions peu applicables : Sans moyens pour faire appliquer les amendes, les contrôles perdent leur efficacité.

Lorsqu’une entreprise française d’infrastructure de réseau est mandatée sur un chantier en Suisse, elle doit annoncer la venue de ses employé-es au moins huit jours avant le début des travaux. Concrètement, l’entreprise remplit un formulaire sur le site du Secrétariat d’État aux migrations (SEM) qui le transmet ensuite aux cantons concernés. Si les câbleurs français sont attendus sur un chantier à Neuchâtel, par exemple, le SEM envoie la demande aux services concernés du canton.

Les services cantonaux font alors suivre les dossiers qui concernent des conventions collectives de travail (CCT) déclarées de force obligatoire (les CCT étendues) aux commissions paritaires au niveau national ou cantonal pour qu’elles puissent organiser le contrôle de ces travaux annoncés. Les activités qui n’entrent dans aucun champ d’application d’une CCT étendue sont envoyées aux commissions tripartites de leur canton (⊳ voir encadré « Deux types d’organes de contrôle »).

© Keystone-SDA © Demir Sönmez

Contrôles : un long processus administratif

syndicom est membre de deux commissions paritaire, puis que le syndicat est signataire des conventions collectives de travail (CCT) de la branche de l’infrastructure de réseau et celle des centres d’appel et de contact. Pour Pascal Kaegi, responsable de l’unité en charge de l’exécution des conventions collectives de travail (CCT) étendues au sein de syndicom, notre fédéralisme rend le tri des annonces très compliqué.

Comme ces deux CCT sont déclarés de force obligatoire pour toute la Suisse, nous recevons les annonces des travailleurs détachés (pour les activités de l’infrastructure de réseau) et des emplois de courte durée dans des entreprises suisses (concernant l’infrastructure de réseau ainsi que les centres d’appel et de contact), de chaque canton, dans des formats à chaque fois différents.

Le temps administratif empiète sur celui nécessaire à l’organisation des contrôles sur les chantiers, une mission souvent plus difficile dans l’infrastructure de réseaux que pour d’autres branches. « Le travail sur les pylônes à haute tension ou les travaux de tirage de câbles ne peuvent pas être effectués par tous les temps et sont souvent reportés au dernier moment. »

Trouver une personne de contact sur le chantier, afin de s’assurer du lieu et de l’heure, relève de la gageure. Il en va de même pour le contrôle des travaux à proximité des voies ferrées, où les contrôleurs doivent, pour des raisons de sécurité, prendre contact au préalable avec les personnes responsables du chantier.

Je vous laisse calculer le temps à disposition si le délai passait à 4 jours.

Affaiblir les contrôles

Bien sûr, théoriquement et techniquement – avec de meilleurs logiciels, des processus plus efficaces, une coordination des annonces à un niveau national et non plus cantonal, etc. – le délai de transmission aux organes de surveillance pourrait être raccourci. Mais c’est réellement méconnaître la réalité du terrain.

Sur mandat du SECO, les équipes de contrôles sur le terrain vérifient non seulement les salaires et les frais, mais aussi les conditions de repos, la sécurité, la santé et l’hygiène au travail. Pascale Kaegi:

Le système de contrôle en Suisse aujourd’hui est largement sous-doté. Pas seulement au sein des Commissions paritaires, mais dans tous les organes de contrôle. On ouvre donc la porte à la sous-enchère salariale et à la précarité des travailleurs détachés.

L’unité de l’exécution des conventions collectives de travail (CCT) étendues de syndicom contrôle, au nom des deux commissions paritaires déjà citées, presque une centaine de travailleurs détachés par quelques 40 ou 50 entreprises étrangères différentes par année (infrastructure de réseau. Elle contrôle encore une bonne 60 aines d’annonce d’emploi d’étrangers de courte durée dans des entreprises suisses (des deux branches).

Les deux commissions paritaires constatent des infractions, dont presque les ¾ concernent des dérogations d’un niveau important. Il s’agit de sous-enchère salariale incluant le dédommagement pour les vacances et les jours fériés ou des indemnités pour les nuitées et les repas qui ne sont souvent pas correctement payées. Mais aussi des dérogations concernant les rapports des heures du travail par exemple qui ne sont pas établies d’une manière à pouvoir contrôler combien d’heures les employé-es ont effectivement travailler.

Pourquoi l’UE veut-elle 4 jours ?

Reste à savoir quel est l’enjeu pour l’UE. Les huit jours actuels représentent-ils une entrave à la libre circulation des personnes ? Ou une distorsion de la concurrence sur le libre marché ?

« Passer à quatre jours affaiblirait d’autant plus un système qui n’est déjà pas parfait. Et nous n’avons pas encore parlé des sanctions. Un système de caution est prévu dans les CCT étendues afin de contraindre les entreprises étrangères à payer les amendes. L’UE essaie là aussi d’affaiblir les contrôles : constater une dérogation sans avoir la puissance d’exécuter la sanction jusqu’à son paiement ne sert pas à grand-chose », explique encore Pascal Kaegi.


Deux types d’organes de contrôle

Deux types d’organes s’occupent des inspections sur les chantiers. Lorsqu’il n’existe pas de conditions minimales dans les conventions collectives de travail (CCT) étendues concernant les salaires ou le temps de travail, ce sont les commissions tripartites cantonales qui sont chargées des contrôles. Celles-ci comprennent des représentants de l’État, des associations patronales et des syndicats.

syndicom est mandaté par les deux commissions paritaires de l’infrastructure de réseau et des centres d’appel et de contact, de gérer leur bureau et d’organiser les contrôles dans ces deux branches. Comme ces deux CCT sont déclarées de force obligatoire, l’unité de l’exécution des CCT de syndicom organise – à côté du contrôle des entreprises suisses – les contrôles de toutes les annonces des travailleurs étrangers qui viennent effectuer des travaux dans ces deux branches.

Accord sur la libre circulation des personnes

La loi sur les travailleurs détachés en Suisse fait partie des mesures dites « d’accompagnement » à l’accord sur la libre circulation des personnes, entrée en vigueur en 2002.

⊳ Plus d’infos sur « Détachement et Mesures d’accompagnement » (SECO)

Pour rappel, ces mesures d’accompagnement (introduites en 2004) visent à protéger les travailleurs contre les risques de sous-enchère des conditions de salaire et de travail suisses, et à garantir des conditions de concurrence identiques pour les entreprises indigènes et étrangères.

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