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« J’aime le son du cor des Alpes »

D’origine rwandaise, Savio Muhigana a vécu longtemps en Belgique avant de commencer une nouvelle vie en Suisse. Il y travaille dans un centre d’appels Swisscom et défend les migrant·e·s à syndicom.

 

Savio Muhigana a vécu presque 20 ans en Belgique – jusqu’au jour où un chasseur de têtes offre un emploi en Suisse à son amie de l’époque. Petit hic : elle ignorait que la garde extrafamiliale des enfants ne va pas de soi en Suisse. Savio s’occupe alors des enfants de son amie. Lorsque le plus jeune entre au jardin d’enfants, il peut envisager une activité hors du domicile familial. Une annonce dans le journal l’incite à s’inscrire auprès d’une agence de placement qui recherche du personnel pour des centres d’appels. Il commence à travailler à temps partiel avec un salaire horaire, puis sous contrat à durée déterminée. En 2011, il décroche un emploi fixe chez Swisscom. Mis à part son français sans accent, il possède un atout indéniable : sa voix agréable au téléphone. De plus, il a déjà travaillé dans un centre d’appels en Belgique.

Long chemin vers la Suisse

Aujourd’hui, à 55 ans, le Rwandais possède un passeport belge et habite dans le canton de Berne. Le reste de la famille est dispersé de par le monde. Ancien ambassadeur à Bonn (Allemagne) dans les années soixante, son père de 83 ans est retourné au Rwanda ; sa mère et un frère vivent en Belgique ; deux frères vivent au Sénégal et en Californie et sa sœur à New York. En 2014, les sept frères et sœurs se sont retrouvés pour la première fois en 30 ans, en Belgique, pour les 80 ans de son père.

Un ordinateur, trois écrans, un téléphone équipé d’un casque – voilà le matériel dont Savio a besoin dans son appartement coopé­ratif de trois pièces à Ostermundigen, où il travaille trois jours par semaine. Il passe les deux jours restants au bureau de l’entreprise. Dans son équipe de 23 personnes, 10 travaillent régulièrement à domicile. « Cette solution permet de réduire considérablement la pression », constate Savio, qui n’a ainsi aucun problème à atteindre les objectifs fixés.

A ses débuts chez Swisscom, Savio rejoint une division dont la tâche se développait : « Nous étions chargés de contacter des clients qui avaient résilié leur contrat avec Swisscom pour en connaître les raisons. » Ces dernières années, la concurrence est devenue plus rude ; le contact avec la clientèle et les employé·e·s en pâtit.

Depuis qu’il travaille chez Swisscom, bien des choses ont changé : les réorganisations et les externalisations ne sont plus exceptionnelles. Les derniers mois ont été éprouvants pour Savio. Il est désormais aussi responsable du support technique et administratif, en plus de son activité de vente : « Mais je sais peu à peu comment m’y prendre. »

L’intégration, c’est vivre ensemble

Savio Muhigana est membre du GI Migration, présidé par Augustin Mukamba : « C’est un homme actif, combatif et engagé, cela me plaît. » Savio souhaite que des Suisses s’engagent aussi dans la commission : « Comment l’intégration est-elle censée fonctionner si nous vivons dans un ghetto ? » Pour lui, une chose est claire : « Nous devons aller à la rencontre des Suisses ! » Il est important de partager quelque chose ensemble. Il regarde ainsi parfois des matchs de foot avec certains de ses collègues, bien qu’il ne soit pas un passionné. Il fait aussi des grillades avec ses voisins. Et il s’est déjà rendu à une fête de lutte : « Je voulais tout simplement savoir ce qu’ils font. » A cette occasion, il a entendu un cor des Alpes pour la première fois : « J’aime le son de cet instrument. Je pourrais l’écouter des heures durant. »

Durant son enfance en Allemagne, Savio a fait l’expérience du racisme. A Liebefeld près de Berne, où il était d’abord le seul Noir, il ne passait pas inaperçu. Dans l’ensemble, il trouve toutefois que les Suisses sont plutôt ouverts. « Mais j’ai toujours appréhendé que quelque chose arrive à ma fille. » Elle est aujourd’hui adulte et vit en Belgique.

Génocide au Rwanda – quatre mois sans nouvelles

En 1994, lorsque 800 000 à 1 million de personnes ont été tuées au Rwanda en l’espace de trois mois, Savio vivait en Belgique. « Pendant quatre mois, nous sommes restés sans nouvelles de nos parents, se rappelle-t-il, un jour, notre père nous a appelés d’un office de poste pour nous dire qu’il s’était caché dans la forêt avec sa femme pendant trois mois. » Aujourd’hui encore, les tensions perdurent entre la majorité hutu et la minorité tutsie. La situation y reste terrible. On y rencontre des enfants qui mangent de la terre et de jeunes femmes qui se prostituent – mais tout le monde possède un smartphone.

Savio reconnaît avoir eu de la chance : « Je suis arrivé en Belgique lorsque l’UE ouvrait généreusement ses frontières. » En Suisse, il a entre-temps obtenu son autorisation d’établissement. Son salaire chez Swisscom a progressé régulièrement et il profite de nombreux avantages. De plus, il a acquis des connaissances dans la formation d’adultes. Cela pourra lui être utile une fois qu’il retournera au Rwanda, où il envisage de s’installer après sa retraite : « Que faire ici quand je serai un vieil homme ? Au Rwanda, on a besoin de nous. »

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