Article

Attaque contre la liberté de la presse

La nouvelle loi sur le renseignement (LRens) vise à étendre massivement les compétences du Service de renseignement de la Confédération. Elle menace ainsi la démocratie et l’État de droit et constitue une attaque contre la liberté de la presse. Fabian Molina *

 

En 2014, on apprenait qu’un agent du Service de renseignement de la Confédération (SRC) avait secrètement placé sous surveillance une journaliste du quotidien Le Temps et un collaborateur de la Télévision suisse romande, afin de découvrir les informations en leur possession sur ses activités frauduleuses avec un encaveur valaisan, et surtout empêcher la publication de leurs recherches. L’« affaire Giroud », comme on l’a baptisée, avait déclenché un véritable scandale.

Trocs d’infos entre services secrets

Cela pourrait toutefois changer à l’avenir. La nouvelle loi sur le renseignement permettra au SRC de lever la protection des sources en toute légalité et de surveiller la correspondance des journalistes même en l’absence de soupçon concret. Si le SRC parvient à justifier l’urgence des informations à obtenir, il n’aura même pas besoin de l’autorisation d’une autre instance. En d’autres termes, la nouvelle loi viole l’art. 17 de la Constitution qui garantit le secret de rédaction et menace par conséquent la liberté de la presse. Si à l’avenir les journalistes ne peuvent plus protéger leurs sources à l’égard des services de l’État, leur travail s’en trouvera profondément bouleversé.

La LRens va encore plus loin : la collaboration avec les services de renseignement étrangers sera institutionnalisée et par conséquent étendue. Aujourd’hui, on mesure à peine quelles en seront les répercussions sur les droits fondamentaux des individus en Suisse. Des services qui agissent par définition en toute confidentialité, et dont l’activité repose sur l’obtention d’informations, n’auront sans doute guère de scrupules à vendre aussi à l’étranger les données collectées en Suisse. Le gouvernement russe, par exemple, pourrait désormais en apprendre bien plus sur un journaliste suisse à Moscou que celui-ci ne pourrait le tolérer. En contrepartie, le SRC pourrait quant à lui recevoir des informations sur un oligarque criminel russe.

Porte ouverte à l’arbitraire

De tels trocs d’informations sont monnaie courante entre les services de renseignement. C’est précisément la raison pour laquelle leurs compétences doivent être strictement définies et scrupuleusement contrôlées. Car les données recueillies par ces services ne peuvent être ni vérifiées, ni effacées, ni contestées devant un tribunal. On ouvre ainsi la porte à l’arbitraire et à l’injustice. L’État de droit, la démocratie et la liberté s’en trouvent menacés.

La nouvelle loi prévoit d’étendre les moyens de recherche du Service de renseignement : pose de micros dans des lieux privés, installation de chevaux de Troie fédéraux sur des ordinateurs et recours à des personnes dites « de confiance ». Désormais, il pourra aussi accéder aux informations stockées préventivement et aux données conservées en marge des communications privées de chacun et chacune d’entre nous, ce qui était réservé jusqu’ici aux autorités pénales. L’exploration du réseau câblé permettra également de surveiller secrètement les échanges d’e-mails, ainsi que les messages et appels transmis par Whatsapp. Le contrôle interne au Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) et les autorités chargées d’accorder les autorisations pourront malheureusement être contournés sans difficulté.

En conclusion, la nouvelle LRens est une loi à la fois dangereuse et inutile. Le référendum en cours est par conséquent absolument indispensable.

Restez informées

Personnellement, rapidement et directement

Vous voulez savoir pourquoi nous nous engageons. Abonnez-vous à nos newsletters! Si vous avez des demandes personnelles, nos secrétaires régionaux seront heureux d’y répondre.

syndicom près de chez toi

Les secrétariats régionaux te conseillent de manière compétente

Deviens membre