Automne chaud dans le public et le privé
Les chauffeurs postaux ne sont pas les seuls à se battre. Dans toute la Suisse, la mobilisation générale a sonné dans la construction. À Genève, c’est la fonction publique qui a massivement fait grève. Et les luttes se rejoignent.
Alors que nos collègues chauffeurs postaux de Bienne entraient en lutte dès l’aube, le 11 novembre a connu une mobilisation historique dans différentes villes et en particulier à Genève où, entamant alors son deuxième jour de grève, la fonction publique s’est jointe aux maçons pour bloquer le pont du Mont-Blanc. Si chacun a en partie des raisons différentes de se mobiliser, on assiste à une certaine convergence des luttes et des colères. Il vaut néanmoins la peine de revenir sur les revendications de ces mouvements.
Défendre la retraite à 60 ans
Les maçons veulent des avancées sociales. Ils ne se satisfont pas de la volonté de la Société suisse des entrepreneurs (SSE) de prolonger en l’état leur convention collective nationale (CN) qui arrive à échéance fin décembre. Ils exigent davantage de protections en cas d’intempéries et des mesures concrètes pour combattre la sous-enchère salariale. Ils exigent aussi une solution viable pour la retraite à 60 ans, un acquis crucial pour ces travailleurs soumis à des tâches pénibles et usantes. Or la SSE refuse les propositions syndicales en la matière, soit une hausse temporaire des cotisations permettant de passer le cap de la génération des baby boomers. Elle prévoit au contraire de couper les rentes anticipées de 660 à 1040 francs par mois ou d’augmenter l’âge de la retraite.
A l’appel de leurs syndicats, plus de 10 000 travailleurs de la construction ont participé aux journées d’actions et de débrayages prévues entre le 9 et le 11 novembre. Plus de 3000 maçons ont ouvert les feux le 9 en quittant leurs chantiers et en manifestant à Bellinzone. Le 10, c’est en Suisse alémanique que les travailleurs de la maçonnerie et du génie civil ont protesté sur de nombreux chantiers. Le 11 novembre, ce sont les maçons de Suisse romande qui se mobilisaient : plus de 3000 à Genève, près de 500 à Neuchâtel et environ 300 à Delémont, pour crier leur colère.
Un pont entre public et privé
Ce 11 novembre 2015 est un jour historique pour le mouvement syndical genevois. A l’appel du Cartel du personnel de l’Etat et du secteur subventionné ainsi que des syndicats SSP, SIT, Unia et Syna, infirmières, assistants sociaux, profs, maçons, grutiers ou encore ferrailleurs – en grève – défilent côte à côte par milliers, aujourd’hui unis dans un combat commun : lutter contre le démantèlement de leurs conditions de travail et la précarité.
Le projet du Conseil d’État genevois d’augmenter de 5 % le temps de travail de plusieurs milliers de personnes, sans compensation, est inacceptable pour les intéressés – et irresponsable d’un point de vue politique. En relevant à 42 heures le temps de travail hebdomadaire, en facilitant les licenciements, et en gelant les embauches, il fragilisera également les conditions du travail de milliers de salariés des secteurs privés. C’est un signal inquiétant dont se serviront les employeurs de ces secteurs déjà enclins à utiliser le prétexte du franc fort pour augmenter la durée du travail et abuser de statuts précaires.
En occupant ensemble le pont du Mont-Blanc au matin du 11 novembre (photos), le personnel de la fonction publique et parapublique et celui de la construction donnent un message fort au Conseil d’État et à la SSE : il faut désormais compter sur la solidarité entre les secteurs privé et public.
Suites des mobilisations
Des négociations avec la Société suisse des entrepreneurs (SSE) sont prévues les 20 et 27 novembre, mais seulement pour discuter des salaires. Pour Unia, c’est absurde d’en discuter sans évoquer la convention nationale. De leur côté, après une troisième journée de grève, largement suivie le 12 novembre avec 7500 manifestants qui ont afflué devant le Grand Conseil, une majorité des 1500 salariés du public réunis jeudi après-midi en assemblée générale à Plainpalais, dans une tente prêtée par les maçons, ont décidé de suspendre la grève. Si le Conseil d’État ne recule pas, le mouvement reprendra le 1er décembre. Entre-temps, des mouvements sectoriels sont prévus. La prochaine assemblée générale du personnel est fixée au 25 novembre. Ces luttes sont aussi nos luttes. Les avancées des uns profitent aussi aux autres. Les reculs, eux, sont mauvais pour tous. Affaire à suivre dans notre prochaine édition.