AVS : tactique en toc
La bataille de l’AVS se déroulera en 2014. Si la consultation publique du programme gouvernemental « Prévoyance vieillesse 2020 » permet à chaque force sociale ou politique de fortifier sa position pour piqueter stratégiquement le terrain, quelques éléments de tactique politicienne apparaissent déjà.
Juste avant Noël, les syndicats ont déposé l’initiative fédérale « AVSplus » demandant un supplément de 10 % sur les rentes de vieillesse. Récoltées au printemps 2013, les signatures ont été remises en fin d’année seulement afin d’imposer le traitement de cette initiative en parallèle au plan du Gouvernement et lui servir ainsi de contreprojet. Et en bombant le torse, le Parti socialiste suisse – dont le ministre des affaires sociales Alain Berset est membre – clame son refus de l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes tant que l’égalité salariale entre les sexes n’aura pas progressé.
La réplique n’a pas tardé et a pris place dans les Objectifs du Conseil fédéral pour 2014. Il y est prévu d’accélérer le traitement de l’initiative syndicale encore cette année. Du coup, la votation pourrait avoir lieu au début 2015, juste au moment où le parlement sera officiellement saisi de « Prévoyance vieillesse 2020 ». Le terrain risque donc d’être déjà nettoyé lorsque les élus entameront leurs travaux. Quant à l’exigence d’égalité salariale, la ministre Simonetta Sommaruga – collègue de parti d’Alain Berset – met les bouchées doubles pour proposer dès l’été 2014 des solutions concrètes. Les femmes socialistes ont d’ailleurs inventé un modèle prévoyant un report automatique et progressif de l’âge de retraite des femmes à mesure que l’écart salarial se réduira.
La gauche gouvernementale met ainsi tout en place pour épargner ses ministres et grappiller quand même quelques miettes de progrès. Au risque de se neutraliser elle-même.
A l’inverse, le monde patronal jongle avec plusieurs tactiques complémentaires. Tandis qu’une fraction s’interroge sur la nécessité de s’en prendre aux rentes de veuves en laissant miroiter ici une marge de négociation, d’autres proposent également de prendre en compte l’inégalité salariale entre femmes et hommes… et suggèrent de maintenir un âge de retraite différencié, mais repoussé d’un an pour tous, soit 65 et 66 ans ! Dans la même veine, une motion parlementaire déposée par un conseiller national UDC également membre de l’USAM demande que l’âge de la retraite soit à l’avenir ajusté par l’adjonction échelonnée d’un mois supplémentaire chaque année jusqu’à trouver l’équilibre financier à long terme de l’AVS. Par ailleurs, le contrôle automatique de l’AVS, le « frein à l’endettement », a déjà été admis par les commissions compétentes des deux conseils du parlement. Sa concrétisation n’est plus qu’une affaire de temps.
Les coups de couteau porté à l’AVS et au bien-être de la population sont d’ores et déjà plus importants que les petites concessions à espérer d’un alignement sur le programme de la droite patronale. La défense des retraites passera encore une fois par la mobilisation de la rue.