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Deux poêles par jour ?

Martin Scheidegger de la division juridique de syndicom a accompagné les négociations CCT menées avec La Poste en tant que conseiller juridique. Il informe sur les objectifs qui sont fixés sous forme d’objectifs de vente et sur le contexte du droit du travail.

 

syndicom, le journal : Les objectifs stratégiques de vente prescrits par La Poste à ses employé·e·s sont-ils légalement autorisés ?

Martin Scheidegger : En principe, la prescription d’objectifs est autorisée par le droit du travail. L’employeur exerce ainsi son droit de donner des instructions, qui l’autorise à définir unilatéralement la manière d’exécuter le travail, conformément au contenu du contrat de travail (= concrétisation du contrat). Ce droit ne l’autorise cependant pas à modifier le contenu du contrat de manière unilatérale et il comporte certaines limites restrictives.

Quelles sont ces limites ?

Ces restrictions découlent principalement du droit public (p. ex. dispositions liées au respect de la loi sur le travail concernant la durée du travail, le temps de repos, etc.), de la loi sur la circulation routière et des normes de droit privé. Les instructions contraires à la loi ou aux usages en vigueur ne doivent donc pas obligatoirement être respectées. En d’autres termes, il est obligatoire de respecter la protection de la personnalité des employé·e·s et le devoir de sollicitude. De plus, certaines limites sont inhérentes aux contrats de travail individuels. A cet égard, toutefois, il est souvent difficile de délimiter quelles instructions peuvent être considérées comme justifiées et lesquelles constituent une modification unilatérale du contrat de travail. La personne qui est engagée pour exercer une profession précise selon son contrat de travail ne doit pas obtempérer si son employeur lui donne l’ordre d’exercer désormais un autre métier (profession). Ce principe s’applique aussi aux tâches supplémentaires : si les objectifs ne reposent pas sur un consensus établi entre les parties contractuelles, l’employeur ne peut imposer d’autres objectifs que ceux initialement convenus pour l’activité.

Les objectifs prescrits par La Poste imposent aux employé·e·s des tâches supplémentaires, en plus de leurs tâches centrales : ouverture de comptes postaux, rendez-vous de consulting PostFinance, conclusion d’assurances de voyage et d’abonnement de téléphonie mobile. Est-ce qu’on ne dépasse pas ainsi les limites légales ?

La question se pose en particulier concernant la vente d’assu­ran­ces de voyage et d’abonnements de téléphonie mobile. Peut-on encore parler de concrétisation du contrat de travail ou s’agit-il d’une modification unilatérale inacceptable du contenu du contrat qui enfreint par conséquent les limites légales ? La réponse à cette question dépend du contrat de travail individuel.

Il faudrait donc vérifier si les objectifs prescrits conduisent au stress et à la surcharge des employé·e·s et par conséquent à des problèmes de santé. Le devoir de sollicitude de l’employeur­ implique qu’il doit garantir la protection de la santé de ses employé·e·s. Les instructions qui entravent la santé des employé·e·s violent par conséquent le devoir de sollicitude et peuvent faire l’objet d’une demande en dommages et intérêts à l’encontre de ­l’employeur.

Quelles peuvent être les conséquences si les objectifs de vente ne sont pas atteints ?

Selon cette définition, les collaborateurs et collaboratrices sont tenus de travailler de manière consciencieuse, mais pas d’atteindre un résultat déterminé. La prescription d’objectifs touche donc ici à ses limites, car elle ne peut servir à justifier l’obligation d’atteindre un résultat de travail déterminé. Ce qui serait le cas lorsqu’on exige d’un employé qu’il vende un certain nombre de produits ou conclue un certain nombre de contrats.

Ces prescriptions ne peuvent pas pour autant être rejetées comme inacceptables. Elles doivent être considérées comme un « souhait » de l’employeur. La réalisation des objectifs peut certes avoir des répercussions sur un éventuel salaire au rendement, mais les employé·e·s ne sont pas tenu·e·s d’atteindre les chiffres de vente définis. La prescription d’objectifs n’est contraignante que dans la mesure où les collaborateurs et collaboratrices concer­nés doivent concentrer leurs efforts sur le résultat souhaité, sans pour autant être contraint·e·s de l’atteindre.

C’est aussi dans ce contexte que doit être considérée la question d’éventuelles conséquences si les objectifs ne sont pas réalisés : lorsqu’un·e employé·e ne parvient pas à atteindre les chiffres de vente prévus ou à conclure un nombre suffisant de contrats, cela ne constitue pas une violation de ses obligations et ne peut donc être sanctionné au sens de la loi sur le travail. L’employeur­ peut toutefois en évaluer les raisons au cours d’un entretien. Si l’évaluation révèle que la non-réalisation des objectifs résulte d’une violation du devoir de diligence ou de fidélité de l’employé·e alors, dans ce cas seulement, des sanctions légales pourront être prononcées. En cas de pression ou de malaise avec ces objectifs de vente, n’hésitez pas à contacter votre syndicat.

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