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Flibustiers du travail

 

Cela fait déjà quarante ans que les « Trente Glorieuses » sont terminées. Et avec elles, la répartition des richesses plus ou moins équitable entre le capital et le travail a disparu pour faire place à une exigence de rentabilité extrême de la part des investisseurs. Leur norme de rendement s’établit désormais autour des 15 % des fonds placés, goinfrant l’entier de la valeur ajoutée produite par l’entreprise. Une telle revendication n’est toutefois pas due à l’avarice personnelle d’individus qu’il suffirait de ramener à la raison. Non, elle découle plutôt d’une nouvelle conception de la « saine » gestion des entreprises. Dont les syndicats doivent prendre toute la mesure pour contester intelligemment chaque vague de licenciements.

Auparavant, le patron était maître chez lui et ne devait rien à personne, il accumulait laborieusement quelques sous par jour pour payer cash de nouvelles machines. Une dette minimale et un autofinancement vertueux constituaient la stratégie d’investissement favorite d’entreprises volontiers paternalistes, lesquelles faisaient au passage aussi profiter les salariés d’une certaine conception de l’« intérêt commun » à tirer à la même corde.

A l’inverse, aujourd’hui l’emploi périclite, les salaires stagnent ou régressent tandis que les dividendes des actionnaires et les rémunérations des big chiefs s’envolent, puisque ces braves gens s’indexent mutuellement les revenus les uns sur les autres pour se jurer fidélité sur la rentabilité maximale. Car la stratégie gagnante est désormais d’extraire au plus vite tout l’argent dégagé par les entreprises avant la prochaine plongée boursière ou le plus petit creux conjoncturel. Et comme personne ne sait vraiment quand la situation économique va se retourner, autant prendre les devants et réaliser régulièrement les profits, par exemple chaque année en touchant des dividendes confortables.

Vendre ses actions lorsque le rendement est au plus haut de la courbe est ainsi une façon d’accroître ses biens dans l’immédiat, mais aussi de rendre son capital « liquide » pour le réinvestir dans une autre entreprise prometteuse. C’est si vrai que de nombreux groupes rachètent eux-mêmes les actions de leurs investisseurs pour leur permettre d’aller placer leur pactole ailleurs et spéculer au passage sur leur prochaine victime.

Un tel système pratiqué à large échelle confisque l’argent au profit d’une minorité et en prive l’innovation productive, le développement de l’emploi, les salariés, le fisc et le progrès social. Les déserteurs de l’entreprise sauvent régulièrement leur peau et font systématiquement porter les risques à ceux qui restent, les travailleurs, les petits cadres, les sous-traitants qui subissent le prochain dégraissage pour rendre l’entreprise toujours plus attrayante aux futurs investisseurs de passage.

Si la lutte syndicale peut contribuer à contenir de tels processus prédateurs, elle ne peut les enrayer, surtout pas en se contentant de quémander un partage raisonnable des superbénéfices. Elle devra se faire politique pour réclamer des mesures fiscales coercitives et redistributrices sur les fortunes personnelles et sur les entreprises.

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