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La crise des journaux

Newsweek, hebdomadaire historique aux Etats-Unis, sortira à fin 2012 – après septante-neuf ans d’existence – le dernier exemplaire en version imprimée. Il sera désormais publié sous forme électronique. Après des quotidiens importants de Boston, Seattle, Denver, La Nouvelle-Orléans ou Cincinnati, Newsweek est le premier des grands hebdomadaires nationaux à renoncer totalement à l’impression.

Pas plus rose en Suisse

La situation n’est pas plus rose en Suisse, où nous nous habituons à lire les données de la REMP, qui indiquent une baisse continue des tirages, quelques exceptions comme la NZZ am Sonntag mises à part. Le problème, tel que je l’observe, se situe à divers niveaux. Les personnes disposées à payer pour un journal (en particulier chez les jeunes) sont moins nombreuses, les lecteurs sont moins nombreux, avec la conséquence que les tirages sont en chute libre. Ce à quoi vient s’ajouter la crise de la publicité, avec moins d’annonces, ou une publicité qui se déplace de la presse écrite vers de nouvelles formes de communication dans l’univers électronique, en ligne ou sur les réseaux sociaux. L’offre d’informations en ligne est désormais très vaste.

Le quotidien romand Le Temps se sépare de 18 collaborateurs (voir ci-dessous) et la Basler Zeitung qui, depuis des années, navigue en eaux troubles, a même licencié ses photographes. Tout cela peut sembler relever d’une mauvaise plaisanterie mais pourtant, c’est la réalité des faits. Au Tages-Anzeiger de Zurich, nous tablons sur la suppression de 15 % des postes de travail rédactionnels (actuellement environ 200) dès que la version imprimée et la version en ligne (Newsnet) seront réunies et ce bien que TA-Media soit toujours bénéficiaire.

Tessin :
Pas de bonnes nouvelles

En conséquence, le cadre général est peu édifiant. Comme c’est souvent le cas, le Tessin est gagné par les développements planétaires avec un peu de retard. Pour le moment, il reste encore trois quotidiens – une particularité, en Suisse, pour un territoire aussi exigu que le Tessin. Mais les nouvelles récentes, dans notre petit canton, ne sont pas bonnes. Le Giornale del Popolo s’en sort, pour la énième fois, grâce à une intervention du Corriere del Ticino, moyennant une opération qui, du point de vue économique, ressemble beaucoup au modèle de la Berner Zeitung et de Der Bund à Berne. Chaque publicité est automatiquement diffusée par les deux titres. Un avantage donc pour le « Corrierone ». Le « Tri Top » a dû se transformer, bon an mal an, en « Bi Top » avec La Regione Ticino comme partenaire. Confronté à des difficultés financières, le quotidien bellinzonais, a lui aussi imposé un programme d’économies. Dans le Tessin, une question reste sans réponse : tout cela est-il causé par 20 minuti, ou ce dernier a-t-il seulement joué un rôle de catalyseur ?

Monde du travail éprouvant

Le véritable drame, toutefois, est que les éditeurs, mais aussi un grand nombre de journalistes, ne croient plus au quotidien et à son avenir. Le monde du travail est devenu éprouvant, presque tous les collègues se plaignent. Ils sont de plus en plus nombreux à chercher leur salut dans un poste de responsable de la communication, ou bien à la RSI, qui garantit encore des conditions de travail dignes.

Je ne me rappelle plus quand j’ai entendu, pour la dernière fois, un collègue journaliste dans un quotidien dire : « Je suis vraiment content et fier de mon travail. J’exerce une profession fascinante. » Des signes préoccupants, mais qui ne sont pas le fruit du hasard. Quand l’éditeur du quotidien La Regione affirme, d’une manière très générale, que cinq journalistes, c’est trop pour faire deux pages de journal, il fait preuve de bien peu de sensibilité à l’égard du travail de journaliste. Parce que faire un journal n’est pas seulement un facteur de chiffre, mais aussi de contenu. Pour un « copier / coller » de dépêches d’agences, un seul journaliste suffit peut-être. Mais pour des enquêtes et articles bien documentés, il faut davantage de personnes. Nous devons donc nous demander quel produit nous voulons et quel est notre rôle.

Le développement décrit est un défi également pour le syndicat des médias. Quelle stratégie adopter ? Comment réagir face à ces développements ? Suffit-il de protester avec un communiqué à chaque fois qu’il y a des licenciements ? Faut-il encore se battre pour une CCT ? Je n’ai pas de réponses immédiates mais je suis convaincu qu’un effort doit être fait pour sauver la dignité des personnes travaillant dans le monde du journalisme. Mais peut-être aussi les journalistes doivent-ils retrouver la fierté perdue, en dépit des difficultés ? Parce que malgré tout, le journalisme demeure l’une des plus belles professions qui soient.

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