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La crise pousse la presse dans les bras de La Poste

Les filiales de La Poste Presto et Epsilon assurent aujourd’hui en grande partie la distribution matinale des journaux en abonnement. Même les entreprises de distribution régionales ne peuvent plus se passer de La Poste, qui profite des mutations structurelles de la presse. Daniel Vonlanthen

 

Pas à pas, La Poste Suisse s’est forgé une position de leader dans la distribution matinale des quotidiens et des journaux du dimanche. Ce secteur d’activité a commencé à poindre dans les années nonante, sous forme de participations et de coopérations. En mars 2008, La Poste met sur pied sa propre société pour la distribution matinale du quotidien alémanique Blick dans la région zurichoise. La même année, elle rachète l’entre­prise bâloise Presse-­Vertriebs AG Prevag. Ce secteur commercial s’établit définitivement en 2009, lorsque le groupe NZZ et Tamedia décident de regrouper leurs entreprises peu rentables de distribution et de les céder à La Poste (en échange, Tamedia rachète la majorité des parts du très lucratif et visité site de bottin électronique search.ch, ndlr). C’est ainsi qu’est née la nouvelle société. La Poste absorbe du même coup des entreprises de distribution régionales comme Zuvo, à Zurich et Bevo, à Berne.

La commission de la concurrence (COMCO) autorise le regroupement à condition que les éditeurs ne détiennent aucune participation dans la nouvelle société du groupe Poste. 10 000 employé·e·s y sont intégré·e·s. Presto harmonise les conditions de travail en collaboration avec les partenaires sociaux et signe avec eux une CCT, entrée en vigueur le 1er mars 2010, puis renouvelée le 1er février 2014.

En décembre 2011, en rachetant les parts d’Edipresse et Tamedia, La Poste détient alors 100 % du capital-actions d’Epsilon SA, entreprise de distribution de journaux et de prospectus quasi monopolistique en Suisse romande avec la reprise du BVA (voir encadré). Il n’y a actuellement pas de CCT Epsilon.

Le travail matinal ne compte pas comme travail de nuit

Bien que le personnel de distribution soit désormais salarié chez le géant jaune, il reste le maillon le plus faible de la filière en matière de conditions de travail. Le salaire minimum fixé dans la CCT, 13e salaire inclus, s’élève à 17 fr. 50. Presto verse une allocation de 10 % pour la distribution matinale en semaine et de 50 % le dimanche. Les tournées de distribution qui débutent à 5 h du matin ne comptent pas comme travail de nuit. Celui qui ne travaille pas assez vite se punit lui-même : la tournée doit durer le temps qu’il faudrait à un employé de rapidité moyenne, d’après la CCT. La distribution matinale reste une activité accessoire. Ces jobs ne permettent pas de couvrir les besoins vitaux et ne semblent guère convoités, puisqu’on recherche en permanence des candidat·e·s. Des postes sont à pourvoir dans la plupart des régions de distribution. Bernhard Bürki, porte-parole de La Poste, affirme que le taux de fluctuation est « usuel dans la branche ». Les offres d’emploi­ affichées sur la plateforme Internet ne sont publiées qu’à titre de « réserve », pour trouver notamment des auxiliaires pour les vacances. « Cette activité est rarement exercée à vie », souligne le porte-parole.

La CCT Poste a eu le mérite d’appor­ter aux employé·e·s de Presto un salaire minimum unique et de nouvelles garanties. Ils ont également été intégrés dans la caisse de pensions du groupe. La situation des porteurs et porteuses de journaux non soumis·e·s à une CCT est pire. C’est notamment le cas des distributeurs employés chez Epsilon, autre filiale de La Poste, en Suisse romande.

Un réseau de distribution très dense

La Poste est en partenariat contractuel avec les grands éditeurs. Presto déclare distribuer chaque année 280 millions de quotidiens et 18 millions de journaux du dimanche – un volume de prestation énorme. Même les éditeurs qui gèrent encore leur propre réseau de distribution matinale ne peuvent pas se passer des services de La Poste. Celle-ci détient la moitié des parts de l’entreprise de distribution schaffhousoise Schazo AG, 35 % de celles de Pressevertrieb SOPV AG en Suisse centrale et 25 % dans la distribution du quotidien Aargauer Zeitung. La Poste affirme que ces participations servent à garantir cette prestation également dans ces régions. Le Valais (avec Les Messageries du Rhône) et le Tessin sont les seules régions où elle n’a pas pu s’implanter sur le marché de la distribution matinale.

Les entreprises de distribution des maisons d’édition ne sont pas de plus mauvais employeurs a priori. Le président de l’asso­cia­tion alémanique des éditeurs Schweizer Medien, Hanspeter Lebrument, en est persuadé : « Il ne fait aucun doute que nos conditions de travail sont meilleures. » Dans une récente interview publiée sur le site Internet « Persönlich » au sujet de la CCT Presto, Lebrument avait estimé l’écart salarial à 25 à 30 %. Interrogé à ce sujet, il n’a toutefois pas voulu confirmer ces chiffres, en affirmant : « Il faut examiner les conditions-cadres de manière précise. » Lebrument entend préserver son propre réseau de distribution pour maintenir des coûts indirects (management et fonctions administratives) plus bas.

Il est à noter, enfin, que les résultats commerciaux des sociétés du groupe sont tenus secrets. Ni l’Office fédéral de la communication (OFCOM), ni la Commission fédérale de la poste (PostCom) n’ont accès aux chiffres concernant cette activité du secteur des services libres.

BVA Distribution repris par Epsilon

BVA Distribution évite la fermeture : il est repris par Epsilon, une filiale de La Poste. L’ex-Bureau vaudois d’adresses a obtenu la garantie de la poursuite de l’activité de distribution. Epsilon SA proposera des emplois à temps partiel aux collaborateurs qui travaillaient jusqu’ici souvent à plein temps. Il leur garantira jusqu’à fin juin 2015 une rémunération proportionnellement équivalente au niveau actuel, a annoncé le 19 juin BVA dans un communiqué. Quelques employés pourront accéder au centre de formation d’adultes de La Poste, avec l’espoir de décrocher ensuite un emploi à 70 ou 100 % à La Poste. Le géant jaune s’est engagé à négocier avec les partenaires sociaux une convention collective de travail, a expliqué à l’ATS Jacques Perrin, président du conseil d’administration de BVA. Le Conseil d’Etat vaudois est intervenu pour éviter la faillite de BVA Distribution. La fermeture de cette unité aurait pu mettre en péril les activités de la Fondation BVA, une unité qui emploie dans ses ateliers protégés une centaine de personnes en situation de handicap. Le gouvernement a octroyé 600 000 francs à fonds perdus pour garantir le paiement des salaires pendant les délais de congé des employés. (YS / ATS)

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