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La diversité culturelle en Suisse doit rester riche

En tant qu’auteur, peu m’importe que le prix du livre soit réglementé ou non. Mes tantièmes sont fixés dans les contrats et ma rémunération est la même – que le livre soit vendu au prix indiqué ou avec 30 % de rabais. Mes livres ne font pas partie de ceux qui sont exposés à la Poste ou à Ex libris, mais mon éditeur est suffisamment important pour ne pas être ignoré des discounters.

 

 

Quel auteur littéraire écrit pour s’enrichir ? Il serait bien plus lucratif de travailler à la caisse d’Ex libris qu’en passant notre temps à écrire. On serait au moins assuré contre les risques maladie, on aurait une caisse de pension et on recevrait des allocations familiales.

Les livres sont supposés être un bien culturel important. En effet, que nous resterait-il de la Suisse du XXe siècle si nous n’avions pas eu Charles-Ferdinand Ramuz, Blaise Cendrars, Alice Rivaz, Gilles, Corinna Bille, Maurice Chappaz, Amélie Plume, Jacques Chessex et tant d’autres ?

 

Notre pays dépense chaque année près de 3,6 milliards de francs en subventions et contributions directes pour l’agriculture. Ces contributions sont justifiées comme étant des prestations d’intérêt public pour « l’utilisation et la protection de la surface agricole utile ».

La littérature est aussi une prestation d’intérêt public. Elle entretient le paysage culturel de la Suisse : elle transmet notre histoire, crée l’identité nationale ; elle nous rappelle d’où nous venons, nous fait réfléchir à qui nous sommes et où nous allons. Cette prestation coûte chaque année 16 millions de francs à la Confédération, aux cantons et aux communes (dont un dixième tout au plus revient aux écrivains).

Dans une enquête sur la sécurité sociale et les acteurs culturels réalisée en 2006, les écrivains s’en sortent très mal. Seul un quart d’entre eux a indiqué gagner plus de 20 000 francs grâce à l’écriture. La situation financière de la plupart des auteurs est catastrophique. Pratiquement aucun écrivain ne peut se permettre de vivre entièrement de ses écrits. Cela peut paraître pathétique, mais si l’on se destine à l’écriture en Suisse, on est pratiquement condamné à vivre plus que modestement.

Les subventions de la Confédération pour les écrivains en Suisse correspondent environ au montant octroyé à 16 paysans. A cela s’ajoute que le marché pour les produits agricoles est largement protégé. Les subventions de la Confédération pour les écrivains en Suisse correspondent environ au montant octroyé à 16 paysans. A cela s’ajoute que le marché pour les produits agricoles est largement protégé.

Aucun politicien et aucune politicienne ne s’opposera au livre. Tous soulignent combien il est important de préserver la diversité des livres. Mais chaque fois que de l’argent a été dépensé pour cela ces dernières années, les politiciens s’y sont opposés – c’était le cas l’année dernière pour la somme de 3 millions destinée à la promotion du livre et de l’édition ou la motion sur la promotion des auteurs suisses.

Oublions l’idéologie du marché libre et regardons la réalité en face : on voit que le prix des livres dans les pays qui n’ont pas de prix fixe a en moyenne augmenté plus fortement que dans les pays qui ont adopté le prix unique. Et que d’innombrables librairies ont disparu (par exemple, plus de la moitié en Angleterre). Il est très important pour les auteurs que les petites librairies disposent d’un riche assortiment.Car elles connaissent et recommandent la littérature suisse, mais souvent elles organisent aussi des lectures qui sont pour nous la principale source de revenu. Il n’est pas évident de trouver ce que l’on recherche dans une filiale d’Ex libris s’il ne s’agit pas d’un dictionnaire de mots croisés, d’une cassette vidéo ou du dernier livre de Paulo Coelho.

 

Personne ne devient riche avec les livres – ni les auteurs ni les librairies. Mais il faudrait assurer la survie des auteurs de livres et de la diversité culturelle.

Peter Stamm est journaliste libre et auteur ; il vit à Winterthour

(Ce texte est le résumé d’un exposé que Peter Stamm a présenté le 14 février à la conférence des médias du comité zurichois « OUI au prix unique du livre » à la Maison de la littérature à Zurich.)

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