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La victoire de la solidarité

Un an et vingt-cinq jours. A l’heure, les 41 licenciés du Matin attendent un plan social digne et décent depuis un an et vingt-cinq jours. Le 28 juin 2018, Tamedia, plus grand éditeur de Suisse, mettait à la porte les journalistes, photographes, éditionneurs, graphistes, dessinateurs, correcteurs ou encore membres du personnel administratif qui fabriquaient chaque jour le quotidien orange. Le 28 juin 2019 a eu lieu l’audience finale du Tribunal arbitral qui va devoir trancher dans le conflit qui oppose l’éditeur zurichois à ses anciens collaborateurs. Comment une entreprise aux 129,5 millions de bénéfice en 2018 a-t-elle pu nier ainsi sa responsabilité sociale durant plus d’un an? Comment les négociations de ce plan social ont-elles pu aboutir à cette douloureuse impasse pour les autoproclamés «41 du Matin», empêchés de faire le deuil de leur journal, de leur travail et même de leur métier pour certains d’entre eux? La réponse est simple: pour négocier, il faut être deux. Or jamais Tamedia n’a véritablement accepté de faire un pas vers ses anciens collaborateurs. Les occasions n’ont pourtant pas manqué.

Il y eut l’Office de conciliation saisi plusieurs mois avant l’annonce de la fin du Matin par les rédactions romandes de Tamedia, soutenues par syndicom et impressum, puis la phase de consultation qui a suivi les licenciements, la médiation des conseils d’Etat vaudois et genevois et finalement évidemment les négociations du plan social. Bilan de ces longs mois de lutte : zéro poste sauvé, aucun moyen supplémentaire alloué au site lematin.ch, survivant du Matin semaine papier et prié de concurrencer la machine 20minutes avec seulement 15 collaborateurs, et toujours pas de plan social pour les licenciés du quotidien vitaminé.

Le Code des obligations est pourtant clair. Il oblige les employeurs suisses en cas de licenciement collectif à «mener des négociations avec les travailleurs en vue d’établir un plan social». Des mesures spécifiques donc adaptées à une situation particulière. Mais en guise de négociation les 41 ont eu droit à une photocopie du plan que le groupe zurichois applique à chacun de ses licenciements collectifs. Des propositions similaires ont d’ailleurs été signées trois fois au sein d’autres entités du groupe durant l’année de lutte des licenciés du Matin contre leur ex-employeur. Des signatures que Tamedia n’a évidemment pas manqué de communiquer bruyamment afin de faire passer les orphelins du quotidien orange pour des enfants gâtés refusant un plan que d’autres ont accepté.

Mais cette intransigeance et cette pression n’ont pas réussi à casser la détermination des 41 à refuser un plan social qu’ils jugent indigne. Indigne par rapport au pouvoir économique de Tamedia, aux années – parfois décennies - consacrées à sortir leur journal 365 jours par an, aux derniers mois difficiles vécus dans l’incertitude, indigne enfin par rapport à la situation du marché du travail dans le monde de la presse. Un an après la fin du Matin, moins d’un quart de ses licenciés a retrouvé un emploi, dont une majorité dans un tout autre domaine. Les autres se démènent entre chômage, stages et missions temporaires. Sans pouvoir vraiment imaginer leur avenir professionnel, l’absence de plan social compliquant sérieusement la possibilité d’une réorientation.

On ignore pour l’heure quel sera le verdict du tribunal arbitral*. Mais les 41 licenciés du Matin – soutenus par les autres rédactions romandes du groupe – ont déjà remporté la victoire de la solidarité. Durant plus d’un an ils sont restés unis et combatifs. Grâce aux réseaux sociaux sur lesquels ils ont fait vivre leur combat et à des rassemblements plusieurs fois par mois devant la Tour Tamedia à Lausanne, ils ont refusé de se laisser oublier. Ils espèrent aujourd’hui un verdict le plus favorable possible afin de pouvoir, enfin, tourner la page.

*Le verdict du Tribunal arbitral n’étant pas connu au moment, l’information sera donnée sur ce site.

Melina Schröter, secrétaire régionale presse et médias électroniques et membre des 41 du Matin

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