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Le jeu au cœur du travail typographique

Nyon, 3 octobre. Pour sa 15e édition, la Journée romande de la typographie organisée par syndicom et la SDG s’est une nouvelle fois déroulée à guichets fermés. Dans les locaux de Uni Global ce sont plus de 260 personnes de toute la Suisse romande, dont une grande majorité de jeunes, qui ont passé un samedi matin dans les cuisines de grands noms de la typographie et des arts graphiques.

 

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Bernard Remion, ancien secrétaire syndical de l’imprimerie, a ouvert les feux de cette « matinée placée sous le signe de la créativité ». Il a rappelé à l’audience « le rôle crucial des syndicats comme moteur du progrès social auxquels on doit notamment les congés payés, la baisse du temps de travail et le droit à la formation pour tous dont ces journées de la typographie sont une magnifique expression ».

« ici pour changer le monde »

Philip Jennings, secrétaire général d’UNI Global Union, est « heureux et fier » que son organisation accueille ces journées pour la troisième fois. « Nous sommes ici pour changer le monde. C’est un objectif modeste, mais nous en sommes capables » a-t-il lancé avec son énergique accent gallois, avant de rappeler les « défis mondiaux auxquels nous devrons face en termes de droits humains à l’heure du capitalisme digital qui émerge avec la “googli­sation” et “l’amazonisation” du monde ».

Modératrice de la journée, Christiane Pasteur, corédactrice du Courrier, a ensuite présenté le travail autour de l’affiche et d’autres supports du Paléo Festival qui, entre 2005 et 2014, a permis à des étudiant·e·s en communication visuelle de la HEAD-Genève de se familiariser avec leur futur métier. Les différentes affiches étaient exposées dans les couloirs de Uni.

De la typothèque au Neue Neue

« Notre collaboration vit du débat et la culture du dialogue fait notre force », annoncent d’entrée Clovis Vallois et Anton Studer, le duo de Nouvelle Noire, une jeune fonderie créée en 2012 à Zurich. En 2013, ils publient la « Apeloig Type ­Library », dessinée et développée en collaboration avec le graphiste français Philippe Apeloig. C’est dans les coulisses de cette création parfois tumultueuse qu’ils nous font plonger. C’est ce travail à la fois titanesque et un peu fou auquel ils se sont livrés, à la merci de l’approbation finale du créateur.

Nouvelle Noire nous entraîne également dans le développement d’un nouveau caractère. « Chaque typographe ne rêve-t-il pas de créer son Helvetica ? » demande Anton. Ils hésitent entre « Project Grotesk » et « Neue Neue ». La salle donne clairement sa préférence au second nom. Vallois et Studer nous font ensuite part de leurs expérimentations avec des lettres fantastiques, des lettres-outils ou déchirées. « À partir de quand une lettre passe la frontière de la lisibilité ? » se demandent-ils. Par goût du jeu.

Le défi d’un nom à rallonge

Diplômé de l’Atelier de création typographique – École Estienne, à Paris, Damien Gautier ouvre, en 2010, le bureau 205 – atelier de design multimédia. Il nous a présenté certaines de ses créations comme l’Alcalà, le Maax ou le Plaak. Ce « fondu de caractères » nous raconte la manière dont il a relevé le défi d’accompagner visuellement la transformation du Musée de l’imprimerie à Lyon qui, pour son 50e anniversaire, s’est mué en « Musée de l’imprimerie et de la communication graphique ». Dépoussiérer un musée vu comme un peu vieillot et repenser son identité visuelle au moment où il adopte un nom à rallonge, le défi était de taille. A travers un jeu sur la typo, les couleurs, des jeux de filets qui mettent en valeur des mots et une grille systématique pour tous les supports, il offre une solution graphique, une boîte à outils, qui permet le jeu avec une unité dans la diversité.

« Je pense avec mes mains »

Grâce à la poésie de ces illustrations qui donnent à voir et à émouvoir, Paula Troxler a su très tôt se faire remarquer et elle a été récompensée pour ses posters à plusieurs concours internationaux. Pourtant, dit-elle « je suis coincée en Suisse en quelque sorte depuis 2008. Je vis et travaille à Zurich ». Alors elle s’évade avec ses pinceaux, stylos et brosses. « Je pense avec mes mains » glisse-t-elle. Elle s’isole au milieu de la nature et cherche l’inspiration autour d’elle ou en voyageant dans sa tête. Pour elle, la typographie est « un champ d’expérimentation qui offre de nombreuses possibilités pour créer des lettres ». A partir de chablons, de mots qui deviennent des dessins, d’aquarelles, elle met en image une citation ou un aphorisme, liant dessin et typographie. En équilibre. La typographie peut devenir une actrice et un personnage de l’affiche. Elle devient corps et fait des images. Pour elle, « le jeu et le plaisir sont à la base de la création ».

Accentuer les majuscules initiales, enfin ! ?

Tirée à dix mille exemplaires, la sixième édition du Guide du typographe s’est trouvée en rupture de stock début 2015. Ce qui constitue, à l’échelle romande, un incontestable succès de librairie. A l’heure du « tout-numérique », certains s’étonnent de l’engouement suscité par ce « livre papier »… « Mais la réputation du manuel romand, né en 1943 à l’initiative d’ouvriers typographes, s’est étendue, notamment sur le plan francophone » a rappelé Roger Chatelain. Lui-même devenu une sorte de guide de la typographie, ce dernier a présenté l’évolution de l’ouvrage au fil de ses différentes éditions.

Préparée depuis plusieurs mois, la septième mouture reprend, actualisés, modernisés, les chapitres qui ont fait le succès du Guide. Elle dispose d’un nouveau caractère, l’Avenir, d’Adrian Frutiger. De surcroît, a rappelé le correcteur Marc Augiey, la contribution intitulée « Principes typographiques » a été considérablement élargie, faisant la part belle à la composition sur écran. LE changement de cette édition se trouve au chapitre 2 : Le Guide conseille dorénavant d’accentuer les majuscules en toutes circonstances. L’histoire et l’actualité typographiques se conjuguent à l’enseigne du nouvel ouvrage qui sera officiellement inauguré le 6 novembre (voir encadré).

« C’était génial merci infiniment », « Super journée ! Merci aux organisateurs. De belles rencontres ». Espérons que ces quelques remar­ques laissées sur le site facebook des Journées romandes de la Typographie illustrent l’avis général sur cette 15e édition qui, une fois de plus, a su trouver son public. En clôture, les 260 participant·e·s ont profité de quelques rayons de soleil pour déguster le magnifique apéro de clôture. Rendez-vous dans deux ans !

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