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Le long chemin du retour au travail

Le rapport « Santé mentale et emploi » de l’OCDE (2014) consacré à la Suisse montre que notre pays pourrait renforcer son action pour intégrer les personnes atteintes de troubles psychiques dans le marché du travail ou les maintenir en emploi.

 

Le premier rapport de l’OCDE sur la santé mentale et l’emploi­, paru en 2012, décrivait les liens entre santé psychique, travail et invalidité dans les pays de l’OCDE. Jusque-là, cette pro­blématique n’avait été que très peu étudiée. La situation dans les divers pays était analysée sur la base des données recueillies.

troubles mentaux en hausse et employeurs dépassés

Le rapport concernant la Suisse est désormais disponible. Comparée à d’autres pays de l’OCDE, la Suisse fait très bonne figure. Le taux de chômage des personnes ayant des troubles mentaux est faible, tout comme le taux de pauvreté. Néanmoins, le nombre de personnes au bénéfice d’une rente AI suite à des troubles mentaux a davantage augmenté que les autres risques d’invalidité. 40 % des bénéficiaires de prestations AI touchent une rente en raison d’un trouble mental – tendance à la hausse. Les auteurs ont également analysé les conditions de travail. La loi prévoit certes une obligation pour les employeurs de veiller à la protection de la santé (la santé mentale est explicitement mentionnée) de leurs employé·e·s. Or il n’existe que peu ou pas d’instructions sur les mesures à prendre, ni de contrôles. On se limite donc aux risques physiques, plus aisément reconnaissables. Les cadres dirigeants se sentent souvent démunis face aux troubles mentaux et sont fréquemment amenés à « résoudre » les problèmes en licenciant les salarié∙e∙s en cause. Il n’existe pas d’informations suffisantes, ni de système global de gestion de la maladie au travail. Suite à l’instauration de mesures de détection précoce par l’assurance invalidité (AI), certaines assurances maladie privées ont même supprimé leurs activités dans ce domaine. Or les mesures de l’AI ne servent souvent guère aux salarié·e·s souffrant de troubles psychiques, étant donné le faible niveau d’information dont bénéficient les employeurs à cet égard. S’ajoute à cela que les personnes atteintes de troubles psychiques changent bien plus souvent d’emploi. Comme le maintien du versement du salaire en cas de maladie dépend de l’ancienneté, elles sont là aussi perdantes.

AI : en bonne voie, mais tout doucement

L’AI récolte de bonnes notes. Elle a passé de l’admi­nis­tra­tion de prestations à un système orienté vers la réadaptation. Certaines prestations devraient en revanche être maniées avec davantage de flexibilité. Le rapport relève qu’il est contre-productif, notamment en ce qui concerne les personnes ayant des troubles mentaux, de limiter certaines mesures dans le temps et d’exiger l’accomplissement d’une formation professionnelle pour avoir droit à un perfectionnement. Par ailleurs, il mentionne également que les obligations des bénéficiaires de rentes AI ont constamment augmenté et que le seuil donnant accès aux prestations de l’AI a été relevé. Ainsi, depuis 2011, les prestations doivent se fonder sur une base organique claire. Faute de quoi les personnes ne sont par définition pas (plus) considérées comme invalides et elles n’ont pas (plus) droit à des prestations de l’AI. Les personnes ayant des troubles psychiques ne touchent des prestations de l’AI que si des examens cliniques de psychiatrie permettent de poser un diagnostic clair.

Les bénéficiaires AI typiques ayant des problèmes psychiques présentent des troubles de la personnalité, des troubles dépressifs ou des problèmes de somatisation. « Sur le lieu de travail, ces personnes sont considérées comme des collègues difficiles. Leur comportement problématique n’est souvent pas perçu comme un trouble psychique. C’est pourquoi elles changent souvent d’emploi jusqu’à ce qu’elles se retrouvent finalement au chômage. Entre-temps, leur santé mentale s’est souvent dégradée », explique David Scheidegger, de la Fondation GEWA pour l’intégration professionnelle.

De l’Assurance chômage vers l’aide sociale et / ou l’AI

En Suisse, il est fréquent que les personnes atteintes de troubles mentaux aboutissent à l’AI après être passées par l’assurance chômage et l’aide sociale. Ce constat pose problème parce qu’une réinsertion sur le marché du travail a d’autant plus de chances de réussir qu’elle est entreprise le plus tôt possible. Afin d’éviter le trimbalage d’un emploi à l’autre, on a introduit la collaboration inter­institutionnelle – qui a été continuellement adaptée aux circonstances.

Au sein des offices régionaux de placement (ORP), la perception de l’importance des troubles mentaux est très faible. Les atteintes à la santé psychique ne sont pas détectées. Les conseillères et conseillers ne disposent d’aucune formation en matière de réintégration de personnes au chômage ayant des difficultés psychiques. Ce type de clientèle est envoyé à l’AI qui, quant à elle, réserve ses prestations aux personnes souffrant de troubles mentaux graves. Les personnes qui seraient capables de se remettre à flot sur le marché du travail grâce à un peu de soutien passent entre les mailles du filet. Elles ne reçoivent de l’aide qu’à partir du moment où elles sont considérées comme suffisamment malades. Le processus de réinsertion prend alors nettement plus de temps.

Le système de santé suisse fonctionne bien, tout comme la prise en charge psychiatrique et psychothérapeutique. On se concentre toutefois bien davantage sur le traitement des troubles psychiques graves que sur les plus légers, bien que le potentiel de réinsertion soit beaucoup plus important pour ces derniers.

Mesures d’intégration

L’étude présente des mesures concrètes pour fournir aux employeurs des outils et un soutien mieux appropriés et pour renforcer les incitations financières. L’AI doit développer des mesures d’intervention précoce axées sur l’environnement professionnel, afin d’éviter aux assurés une prise en charge par des institutions spécialisées où ils risquent de rester. Les évaluations sont à effectuer de manière pluridisciplinaire, c’est-à-dire qu’elles doivent comporter une partie médicale et une partie professionnelle. Travailler doit en valoir la peine. Il faut supprimer les seuils d’accès tels qu’ils existent par exemple dans le système de rentes de l’AI. Les ORP et les services sociaux doivent identifier les problèmes mentaux et aider leur clientèle à les gérer. Le système de santé doit être associé à la collaboration interinstitutionnelle. Les psychiatres doivent co­opérer avec les employeurs, mettre l’accent sur des traitements ambulatoires et soigner davantage de personnes ayant des troubles mentaux légers. Enfin, il est également recommandé de mieux informer les établissements scolaires sur les moyens d’aider les élèves ayant des problèmes psychiques. L’octroi précoce de rentes doit être évité grâce à des incitations au travail. Reste à voir l’usage que feront les milieux politiques de ces résultats.

GEWA

La politique de l’AI basée sur la réinsertion est juste. Aussi bien les personnes concernées que les entreprises profitent de la collaboration renforcée avec le marché primaire du travail. Pour les personnes concernées, un stage sur ce marché peut déboucher sur un engagement fixe. Le contact avec des personnes ayant des difficultés psychiques permet aux employeurs de faire des expériences importantes, tout en étant soutenus par des professionnels compétents. Par son travail, la Fondation GEWA cherche à garantir la réintégration dans le marché primaire du travail. L’expé­rience montre que certaines personnes ne sont actuellement pas prêtes à être intégrées. Pour elles, une rente AI est donc indispensable. Elle ne doit toutefois pas être une impasse. Dans de nombreux cas, nous assistons au retour sur le marché du travail de personnes ayant touché une rente AI pendant plusieurs années, qui réussissent à reprendre pied. (GEWA AG)

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