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Les gagnantes des prix Médias

La troisième édition du Prix Femmes et Médias

 

Patricia Alcaraz a posé les quatre questions suivantes aux gagnantes des prix Médias.

  1. Tes impressions suite à ce prix ? Est-ce que cela va changer quelque chose ?
  2. Ton regard sur les statistiques évoquées dans l’enquête whomakesthenews 2015 sur la représentativité féminine dans les médias ?
  3. Ta propre situation de journaliste femme romande.
  4. La suite après le prix ?


Dominique Hartmann
52 ans, a obtenu avec ses collègues Drompt et Musadak la première distinction du Prix Femmes et Médias. Elle travaille au Courrier depuis 2007. Elle est corédactrice en chef depuis octobre 2013. Elle a obtenu une licence en lettres à l’Université de Genève, puis a effectué son stage RP au journal de l’ATE. Elle a ensuite été engagée au Courrier pour la rubrique Culture, puis à la rubrique Société.

 

 

  1. Ce prix est un bel encouragement, et cette reconnaissance rejaillit sur toute l’équipe. Car l’attention à l’égalité entre hommes et femmes est largement partagée au sein de la rédaction.
  2. Même si les femmes sont de plus en plus présentes dans certains secteurs de la société, et à des postes élevés qui en font des expertes, elles restent peu représentées dans d’autres. Ce qui complique le travail des journalistes. Et témoigne du fait que les habitudes changent lentement. Les nôtres aussi. Nous devons rester attentifs à notre façon de mettre en scène les femmes, mais aussi aux rôles auxquels elles ont accès au sein d’une rédaction.
  3. Je ne me suis jamais sentie discriminée en tant que femme, dans ce métier. Cela tient peut-être au fait que je travaille dans une petite structure, où la prise de parole est plus aisée, le temps partiel partagé par tous. Malgré cette sensibilité, Le Courrier a toujours eu des rédacteurs en chef masculin, à l’instar du reste des médias. Les changements sont notables actuellement. De 2013 à 2016, Le Courrier a eu deux corédactrices en chef, aujourd’hui, une, puisque ma collègue Christiane Pasteur est en congé maternité.
  4. Il faut rester attentif, notamment à tout ce qui menace la présence des femmes dans l’espace public. L’égalité n’est pas seulement une valeur que nous défendons : il y a une logique journalistique à s’y intéresser. Identifier les liens de causes à effets, « désenchevêtrer » les faits, interroger les évidences, les journalistes s’y emploient au quotidien.


Laura Drompt

28 ans, première distinction du Prix Femmes et Médias avec ses collègues, travaille au Courrier depuis février 2013. Elle est responsable de la rubrique Suisse. Elle a effectué un bachelor en égyptologie (Genève), puis un master en journalisme à l’Université de Neuchâtel. Son parcours éclectique lui a permis de devenir guide au Musée romain de Nyon, de travailler comme recherchiste à la RSR et comme journaliste à la Tribune de Genève avant d’être engagée au Courrier.

 



  1. J’ai été surprise par l’ampleur des réactions. Nous avons reçu de nombreuses marques de soutien, du lectorat, de la part des autres journalistes, des milieux de l’égalité… Ça fait du bien ! On réalise que notre journal n’est pas tout seul, que notre suivi régulier des questions de genre et sur l’égalité est reconnu. En fait, c’est toute la rédaction qui a été valorisée. Le prix ne changera rien de fondamental dans mon travail. Je le prends plutôt comme une incitation à poursuivre une réflexion de fond sur ces thématiques de genre.
  2. Cela avait été l’objet d’un numéro spécial du Courrier. Et les statistiques sont dramatiques. On peut pourtant y remédier, en réfléchissant aux intervenantes possibles en amont de la préparation d’un sujet. On peut se faire des listes de spécialistes. Mais les journalistes se heurtent aussi au manque de représentativité des femmes dans les hautes sphères politiques ou académiques.
  3. Je crois que ça me donne une sensibilité à des thématiques labellisées « femmes » : droit à l’avortement, emprise sur le corps des femmes, manque de figures auxquelles s’identifier… Heureusement, mes collègues masculins du Courrier partagent aussi ce regard. Personnellement, j’ai la chance de ne jamais avoir été freinée dans mon travail en raison de mon sexe. Je me suis construite avec des modèles de femmes en tête, comme Florence Aubenas ou Anne Nivat, qui m’ont toujours donné envie de me lancer dans le reportage…
  4. Continuer comme avant !


Albertine Bourget

40 ans, a reçu le prix Coup de cœur du Prix Femmes et Médias. La journaliste freelance est arrivée en Suisse en 2000 après des études de littérature et un master en journalisme bilingue à Paris. Installée à Berne, elle collabore avec divers journaux et magazines romands mais aussi alémaniques ou français. Son profil de généraliste lui permet d’aborder tous les styles et tous les lieux.

 

 

  1. Ce prix est arrivé alors que je m’interrogeais sur la suite à donner à mon parcours. C’est pour moi un encouragement à continuer dans ce métier, et à traiter de sujets variés. Mon profil de généraliste a pu me desservir, j’ai été d’autant plus ravie de voir saluée la diversité des sujets que j’ai traités.
  2. Depuis quelques années, notamment grâce à ces études, je suis plus attentive à mettre en avant des femmes. Et j’essaie de faire intervenir des expertes quand c’est possible. Même si certaines refusent selon le média ou la thématique. Par exemple, des femmes d’affaires n’ont pas voulu donner suite à mes questions sur la conciliation vie privée-vie professionnelle.
  3. J’ai rarement ressenti du sexisme de la part de collègues. Parfois chez certains qui ne bronchent pas quand tu dis quelque chose en séance et qui applaudissent si ton collègue masculin dit la même chose, ça, oui. C’est plus compliqué quand la hiérarchie entre en jeu. J’ai vu des hommes se braquer quand, en tant que responsable, je formulais une demande ou une critique, et des chef·fe·s me sortir des réflexions condescendantes ou inouïes, qu’ils n’auraient jamais faites à un homme.
  4. Etre correspondante à New York, ça me dirait bien !


Sophie Roselli
lauréate le 27 avril du premier prix du Swiss Press Award, catégorie Presse écrite pour son enquête sur le djihadisme parue le 28 août 2015. Elle a 39 ans, est journaliste RP depuis 2003. Elle a réalisé son stage au journal La Côte, avant d’être engagée comme cheffe de la rubrique vaudoise au quotidien 20 Minutes en 2006. Après, notamment, un passage au Matin Dimanche et une année comme free-lance en Australie, elle a rejoint la Tribune de Genève en 2010. En 2014, elle a suivi une formation en journalisme d’investigation à l’Université Columbia de New York.

 

 

  1. C’est un honneur d’avoir reçu cette récompense de la profession. C’est aussi une responsabilité. Cela donne en plus une belle visibilité à la Tribune de Genève, à une période où l’on se bat pour subsister. Le travail d’enquête est l’une des clés de notre survie, pour nous démarquer et nous rendre attractif. J’espère que nous aurons les moyens de continuer à le faire.
  2. Dans les médias suisses, 75 % des personnes mentionnées sont des hommes. Je ne pensais pas que le déséquilibre était si fort. Cela m’encourage à en tenir compte. Il est tout aussi surprenant de voir que le nombre de femmes journalistes a diminué de 5 % en cinq ans. L’étude n’apporte pas d’explication. Est-ce lié au fait que le métier est de plus en plus dur, par rapport aux horaires, à la masse de travail toujours plus importante, et aux pressions ?
  3. Depuis mes débuts en 2001, j’ai parfois été confrontée à des remarques sexistes. Cela m’est arrivé récemment dans le cadre de ma couverture du domaine de la sécurité. Le fait de traiter des sujets politiques sensibles vous expose davantage.
  4. Je reste une localière généraliste. Je me nourris de chaque rencontre. J’espère pouvoir continuer à mettre en lumière les failles de notre société pour alimenter le débat démocratique.

 

photos
Dominique Hartmann, © Patrick Gutenberg

Laura Drompt, © RMR

Albertine Bourget, © Yvain Genevay/le Matin

Sophie Roselli, © LDD

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