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Les luttes d’hier et d’aujourd’hui

Le vernissage du livre de l’historien Alexandre Elsig sur la Ligue d’action du bâtiment (LAB) de Genève a permis de susciter le débat sur le rôle des syndicats aujourd’hui. Inspirée par les idéaux anarchistes d’action directe, la LAB est créée par des ouvriers genevois à la fin des années vingt en vue de faire respecter une convention de travail acquise de haute lutte.

 

« Action directe et défense des conditions de travail hier et aujourd’hui ? » C’est sous cette appellation qu’une rencontre-débat a été organisée par le Collège du travail le 25 février, à l’Université ouvrière de Genève, à l’occasion du vernissage du livre de l’historien Alexandre Elsig La ligue d’action du bâtiment. L’anarchisme à la conquête des chantiers genevois dans l’entre-deux-guerres. Dans les années trente, la Ligue d’action du bâtiment (LAB), était le bras armé d’inspiration anarchiste de la FOBB à Genève. Elle a réussi à faire entendre ses revendications et à imposer les conventions de travail grâce à ses actions directes, parfois illégales.

L’anarchisme dans le monde ouvrier

L’historien a rappelé deux moments forts du mouvement. Celle de l’affaire de Versoix, qu’il relate dans son livre par ces mots : « Le 15 janvier 1931, L’Internationale retentit avec un écho particulier sur le parvis du Palais de justice genevois. Entonné par les militants de la Fédération des ouvriers du bois et du bâtiment (FOBB) et orchestré par leur meneur Lucien Tronchet, le chant célèbre une importante victoire judiciaire de la Ligue d’action du bâtiment (LAB). En effet, quelques minutes plus tôt, le juge avait prononcé la libération immédiate de quatorze syndicalistes inculpés dans l’affaire dite “de Versoix”. » « La bande à Tronchet », comme elle était appelée à l’époque, avait été accusée de violation de domicile pour avoir voulu faire cesser de force le travail sur un chantier un samedi après-midi en vertu de la convention de travail récemment acquise.

Quatre ans plus tard, en 1935, les militants de la LAB démolissent des taudis « insalubres et surpeuplés » avec pour objectif l’amélioration des conditions de logement et la création d’emplois. Cette fois-ci, le syndicat sera sanctionné par la justice. Tronchet prend un mois de prison ferme ; ses compagnons, 15 jours avec sursis. « Alors que le PS était à la tête du gouvernement cantonal, cette sanction crée la rupture entre la gauche et la force anarchiste. C’est le chant du cygne pour la LAB », a relevé Alexandre Elsig. « L’emprise de l’anarchisme dans le monde ouvrier genevois aura duré un peu moins d’une décennie. »

Les luttes aujourd’hui

Alors que la LAB reste un mouvement majeur dans l’histoire du syndicalisme genevois, le débat qui a suivi ce bref exposé a dépeint un contexte politique et syndical bien différent d’alors. Même si, comme l’a introduit Manuela Cattani, secrétaire générale du SIT et présidente de la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) « nous sommes dans une période où les luttes vont s’accentuer… »

Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d’Unia Genève et vice-président de la CGAS, a souligné les ambiguïtés de la lutte syndicale et l’importance de réfléchir à la fonction des syndicats : « Est-ce que l’organisation syndicale est un vecteur qui permet ou empêche l’organisation de luttes collectives ? Ou comment le syndicat peut redevenir un vecteur d’organisation collective ? Alors qu’en Suisse, et nous l’avons vu lors du 9 février 2014, les syndicats ne sont pas vus comme une alternative crédible aux discours de l’UDC. Et qu’il y a amalgame entre les syndicats et la social-démocratie qui restructure les retraites… »

« Un appareil syndical doit être capable aujourd’hui de former un horizon politique commun face à la fragmentation du monde du travail et au manque de boussole politique. Il faut un syndicalisme ouvert, et le réinventer tous les jours. » Dans ce sens, Alessandro Pelizzari a relevé l’importance des luttes inédites comme chez Merck Serono, avec les cols blancs comme acteurs syndicaux, ou la grève de quatre Polonais sur un chantier à Genève, malgré la précarité de leur statut. Mais aussi la lutte des TPG « importante pour l’ensemble des syndicats ».

Vincent Leggiero, président de la section TPG du SEV, est revenu sur cette grève menée en novembre. « Par son ampleur, le mouvement a réussi à ébranler le Conseil d’Etat, appareil de la bourgeoisie, du capitalisme », a-t-il rappelé. « Le SEV s’est battu pour son indépendance. Et l’indépendance, c’est la clé de voûte de la lutte, sinon c’est de l’accompagnement. C’est ce que les directions essaient tout le temps : nous associer à leurs décisions pour dégrader les conditions de travail. »

Qui décide ?

Après une discussion nourrie sur le rôle des syndicats – défenseurs des travailleurs seulement ou plus globalement du peuple ? – l’intervention de Charles Magnin, président du Collège du travail, a résumé la situation : « Comment fédérer les forces en révolte contre les inégalités, dans ce moment historique particulier d’intensification des crises ? » Après quoi, deux questions du public ont permis de créer un lien direct avec la LAB. A savoir : Est-ce que des actions de sabotage illégales pour des conditions de travail dignes sont encore possibles ? Et auraient-elles le soutien des syndicats ? Ou les syndicats sont-ils des digues qui permettent, pour les Etats et les patrons, que la révolte ne déborde pas, en jouant notamment les pompiers dans certaines situations ?

Ce à quoi Manuela Cattani a répondu : « Je n’ai jamais eu à faire le pompier. Plutôt l’inverse… » Alors que son homologue Alessandro Pelizzari relevait : « Unia a joué les pompiers parfois, comme à Reconvilier par exemple [faisant référence au conflit à la Boillat, ndlr], où la lutte a été stoppée. Or ce n’est pas à l’appareil syndical, mais aux assemblées générales des travailleurs de décider. » Et Vincent Leggiero de conclure : « Dès le moment où l’on va à l’encontre des travailleurs, on n’est pas des pompiers, mais des traîtres. Sur la question du sabotage ou de luttes fortes, comme la LAB les a menées, c’est aux travailleurs d’en décider… »

« Sur la question du sabotage ou de luttes fortes, comme la LAB les a menées, c’est aux travailleurs d’en décider… »

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