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Non à la suppression de la solution des délais

L’initiative populaire « Financer l’avortement est une affaire privée – Alléger l’assurance-maladie en radiant les coûts de l’interruption de grossesse de l’assurance de base », sur laquelle nous nous prononcerons le 9 février, a été lancée parce que ses auteurs, sachant très bien qu’ils n’ont aucune chance d’interdire les avortements comme par le passé, ont choisi d’avancer masqués.

 

La lutte pour la solution des délais a duré trente ans. Elle fut âpre. Ce n’est qu’en 2002 que la solution des délais fut introduite (voir « Rappel historique »). Elle autorise une interruption de grossesse durant les douze premières semaines qui suivent les dernières règles. Cette solution a fait ses preuves. De fait, le nombre d’avortements a diminué depuis lors en Suisse (passant de 12 500 en 2001 à environ 11 000 dès 2003, ndlr).

Hypocrisie et risque d’effet boule de neige

Les coûts d’un avortement sont pris en charge par l’assurance obligatoire de soins. C’est précisément là la disposition que les initiant·e·s veulent supprimer. Sachant bien qu’un retour dans le passé, quand l’avortement était encore punissable, n’a aucune chance aujourd’hui, ils font semblant de s’attaquer à l’aspect financier et demandent que les coûts des avortements soient assumés par les personnes qui se font avorter. C’est hypocrite et en défaveur des femmes. L’argumentation de l’« affaire privée » a en outre un effet boule de neige dangereux. Si l’avortement est une affaire privée, il doit être payé par les personnes concernées. Il n’y a alors plus qu’un pas jusqu’à l’effacement de toute solidarité dans l’assurance-maladie. La personne qui doit se faire soigner en raison de sa consommation d’alcool – une « affaire privée » – devra aussi payer de sa poche ! Quiconque se fait soigner pour un ulcère dû au stress – une « affaire privée » – devra aussi payer de sa poche ! Et celle ou celui qui a des problèmes de genou à cause d’une pratique du sport trop poussée – une « affaire privée » – devra aussi payer de sa poche ! Et la liste pourrait s’allonger… Finalement, comme plus de la moitié des traitements médicaux ont des causes privées, ils devront être payés par les personnes concernées.

Le fait est que les coûts des interruptions de grossesse représentent moins de 0,03 % des coûts de la santé (8 millions des 26 milliards à charge de l’assurance obligatoire, ndlr). L’époque des faiseuses et faiseurs d’anges est révolue. Tant mieux ! Pas question de leur redonner une chance avec les couches les plus pauvres de la population !

stopper l’inflation des initiatives réactionnaires

Parlons enfin des initiant·e·s. Ils sont constamment présents avec des initiatives populaires du même calibre. En novembre 2013, les mêmes milieux ont échoué avec leur initiative sur la famille. Un mois plus tard, ils ont fait aboutir leur initiative populaire sur les cours d’éducation sexuelle « Protection contre la sexualisation à l’école maternelle et à l’école primaire ». Et récemment, ils ont lancé une nouvelle initiative contre l’avortement. Un non clair s’impose donc en février prochain, ne serait-ce que pour ne pas avoir à voter chaque année sur le même sujet.

En résumé, ce non clair à « Financer l’avortement est une affaire privée » s’impose parce que l’inter­dic­tion de l’interruption de grossesse n’est pas applicable et que le but minimum visé par les initiant·e·s est de punir financièrement les femmes

Un front large rejette l’initiative sur l’IVG

L’initiative populaire « financer l’avortement est une affaire privée » doit faire face à un large front. Un comité interpartis d’opposants issus des rangs du PLR, des Femmes UDC, des Femmes PDC, du PBD, des Vert’libéraux, du PS et des Verts a lancé mi-décembre sa campagne.

Des Comités pour un avortement libre et gratuit (ALG) ont été (ré)activés pour l’occasion comme à Genève, Vaud (CLAC) et Neuchâtel (Avortement, retour en arrière NON !). De nombreuses institutions et associations ont pris position contre l’initiative comme Profa, Pro familia, Fédération des médecins suisses FMH, Fédération suisse des sages-femmes, Association suisse des infirmières et infirmiers, Amnesty International Suisse, Fédération des Eglises protestantes de Suisse ou Ligue suisse des femmes catholiques. (YS)

Rappel historique

Jusqu’en 2002, le Code pénal suisse, datant de 1942, n’admet­tait une interruption de grossesse que si la vie de la femme enceinte est en danger ou si la grossesse risque de porter gravement préjudice à sa santé.

Le vote de 2002 a permis de modifier le code pénal et d’ainsi décriminaliser l’interruption de grossesse durant les 12 premières semaines. Ce texte a enfin donné à la femme et au couple la possibilité de décider librement, sans contrainte pénale ou financière. (A partir de la 13e semaine, les interruptions ne sont possibles que pour des raisons médicales).

La « solution du délai » a été acceptée plus que nettement par 72,2 % de oui, lors de la votation populaire du 2 juin 2002. Le même jour, l’initiative populaire « pour la mère et l’enfant – pour la protection de l’enfant à naître et pour l’aide à sa mère dans la détresse » de l’Aide suisse pour la mère et l’enfant fut encore plus sèchement rejetée (82 %).

La solution des délais permet une interruption de grossesse non punissable dans les douze semaines après le début des dernières règles. Parallèlement, la couverture des frais d’avortement par l’assurance obligatoire de soins était inscrite dans la Constitution fédérale. (YS)

Les initiant·e·s

L’initiative sur laquelle nous votons le 9 février, munie de 111 000 signatures, est issue des milieux chrétiens-conservateurs. Le comité d’initiative est formé de 8 UDC, 7 PDC, 3 PEV (Evangéliques), 3 UDF (d’orientation évangéliste), 1 PLR et 3 sans appartenance politique. Sur 25 membres, 7 seulement sont des femmes.

Ces milieux réclament que les avortements ne soient plus remboursés par l’assurance maladie obligatoire, sous réserve de quelques exceptions.

Si le OUI l’emporte, l’article 30 de la LAMal (« En cas d’interruption de grossesse non punissable au sens de l’art. 119 du code pénal, l’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des mêmes prestations que pour la maladie ») serait abrogé. (YS)

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