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« On survit, mais on ne récolte pas de lauriers »

L’année dernière, la libraire Anna Christen a réalisé un rêve en achetant deux librairies : l’une avec et l’autre sans clientèle établie. Elle ne deviendra pas riche, mais ça marche et elle a du plaisir à gérer son propre magasin.

 

La vie de libraire est tout aussi dure que celle de supporter des Young Boys, dit Anna Christen en riant : « On survit tant bien que mal, mais on ne récolte pas de lauriers. » Anna Christen, 28 ans, libraire de profession, se passionne pour le football durant ses loisirs. Et on devine aussitôt que les deux activités lui plaisent : son dur métier de libraire et son passe-temps, qui consiste surtout à assister si possible à chaque match de son équipe favorite.

Chahut & Bouquinerie

Depuis août 2015, la Bernoise est la fière propriétaire de deux librairies qu’elle a achetées avec ses économies. Klamauk (littéralement le chahut !) accueille ses client·e·s à la Postgasse, une rue latérale paisible de la vieille ville de Berne. La seconde, Zur Schmökerei (à la bouquinerie), se trouve dans la gare bien fréquentée de Worb, un emplacement idéal, dit Anna Christen. Elle gère elle-même la librairie de la Postgasse, mais emploie quatre personnes à Worb, à dix kilomètres de Berne. Elle a fondé Lies was GmbH (Lis quelque chose), une société à responsabilité limitée qui chapeaute ses deux librairies.

Dévoreuse de livres

« Lies was » : le nom de l’entreprise illustre aussi le credo d’Anna Christen. Lire est tout simplement magnifique. Un livre est une invitation au voyage, on peut le palper, le sentir et se réjouir à la vue d’une belle couverture. Un livre électronique, bien que pratique, « n’a pas d’odeur ». La libraire est bien entendu une dévoreuse de livres. Elle en avale chaque semaine deux à trois : « tous azimuts, en passant des romans à l’eau de rose aux ouvrages spécialisés. »

Dans sa petite librairie de Berne, qui comprend deux salles, on peut acheter n’importe quel livre. Mais pour ses vitrines, Anna Christen s’est spécialisée dans deux niches inhabituelles : la littérature préparatoire d’examens et les livres de foot. L’idée de la littérature d’examen lui vient de la librairie Lüthy à Bienne, où elle a fait son apprentissage et travaillé ensuite quelques années. Beaucoup de gymnasiens et d’étudiants sont contents de recevoir des conseils lorsqu’ils doivent lire 1500 pages de six auteurs qui couvrent trois siècles différents.

Se battre contre Amazon

C’est à Bienne qu’elle a commencé à rêver de se mettre à son compte. Bien sûr, Anna Christen sait que le commerce traditionnel du livre doit se battre à l’époque d’Amazon. De nombreuses connaissances trouvent très courageux qu’elle se soit lancée dans une telle aventure. Pour sa part, elle n’a pas eu cette impression ; l’insouciance de la jeunesse l’a portée dans son projet : « Même si je savais que je risquais de me casser le nez, je voulais réaliser mon rêve maintenant plutôt que de me demander à 65 ans pourquoi n’avoir jamais tenté ma chance. »

Anna Christen ne compte toutefois pas échouer : « Je suis convaincue qu’il y a énormément de gens qui lisent volontiers des livres et les apprécient. » Les bons conseils permettent de fidéliser les clients et d’éviter de les perdre sur Internet. Mais il faut avoir de bonnes idées. La librairie Klamauk offre par exemple un service individuel à ses clients en organisant au besoin un coursier vélo pour livrer à domicile les livres commandés.

L’optimisme d’Anna Christen n’est pas simplement un vœu pieu. Il repose sur son expérience de libraire indépendante depuis une bonne demi-année. « Ça marche mieux qu’escompté », constate-t-elle avec satisfaction. A la Postgasse, elle n’a aucun problème à payer les factures et les coûts de location qui se montent à 1800 francs par mois. Elle s’est constitué une petite clientèle en faisant de la publicité sur Facebook, grâce à une newsletter, au site Internet et au bouche-à-oreille. La librairie de Worb avait déjà sa clientèle. Anna Christen a repris la librairie de Buchshopping AG qu’elle a ainsi sauvée de la disparition : c’est la seule librairie restante dans le quartier. Avec sa petite papeterie, elle dispose de revenus assurés, car des bibliothèques et des écoles commandent aussi du matériel.

atmosphère convivale

Ces recettes permettent de payer les employés « qui touchent un salaire bien au-dessus du salaire minimum », souligne Anna Christen. Elle envisage maintenant de se verser aussi une rétribution pour ne plus devoir vivre de ses économies. « Je sais m’en sortir avec peu d’argent. »

Au début, elle n’avait pas l’intention de reprendre deux librairies en même temps. Alors qu’elle recherchait un local à Berne, elle est tombée sur l’offre à Worb et y a répondu. Sa petite librairie coquette de la Postgasse profite aussi d’une évolution récente dans le public, du moins Anna Christen le croit. Beaucoup de personnes sont dépassées par l’offre colossale des grandes librairies et leur stratégie de discount. Elles apprécient l’atmosphère conviviale du magasin, son assortiment volontairement limité et les conseils individuels. « Les gens ont beaucoup de plaisir à venir, comme moi-même », dit-elle. On sent qu’elle éprouve toujours autant de bonheur à travailler dans la librairie : « Je me réjouis chaque matin quand j’ouvre la porte et le soir quand je la quitte. »

Sur sa librairie : www.klamauk.be

Quelques conseils de lecture d’Anna Christen :

• Markus Zusak, La voleuse de livres. Roman, Blanvalet.

• Abbas Khider, La gifle. Roman , Hanser.

• Et deux ouvrages spécialisés : Unnützes Fussballwissen et 365 Fussballtage.

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