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Pause-pipi au travail : un luxe ?

Pouvoir satisfaire un besoin physiologique – aller se soulager aux toilettes quand on en a besoin – semble être une évidence. Pourtant, selon le type de travail exercé ou le type d’organisation du travail, ce n’est souvent pas le cas. Eclairage.


La loi suisse ne fait toujours pas allusion au droit des salariés d’aller aux toilettes. En effet, si l’OLT3 (ordonnance 3 relative à la loi sur le travail) demande des toilettes propres en nombre suffisant, séparées pour hommes et femmes, rien n’est cependant spécifié sur leur utilisation. Toujours selon la loi, le personnel devrait avoir des toilettes séparées de celles du public, mais ce n’est pas le cas partout.

Comment doivent alors faire les conducteurs de bus, de train, les chauffeurs de camions, les caissières de supermarché, les ouvrier·ère·s fixés à leurs machines ? Toutes ces personnes ne peuvent interrompre leurs tâches, ou n’y sont pas autorisées par l’organisation du travail.

Problème connu des chauffeurs de bus et de car

On se rappellera que les TPG avaient conduit une grève en 2008 à Genève pour exiger un temps suffisant et des toilettes à disposition au terminus pour pouvoir se soulager. Le problème s’était posé avec plus d’acuité lors de l’engagement des premières conductrices, qui ne pouvaient pas aller se soulager derrière un arbre. Dans d’autres cantons, les chauffeurs se plaignent de devoir utiliser les toilettes des bistrots avoisinants, obligés alors de consommer.

Procédés humiliants et dégradants

Les besoins physiologiques sont toujours considérés comme « sales », un tabou dont on ne doit pas parler, même si les conséquences sur la santé de la limitation de ce « droit » sont connues.

Il faut alors s’intéresser aux témoignages des employé·e·s, aux comptes rendus des jugements des prud’hommes, aux dénonciations des syndicats. Ainsi, en Espagne, en Andalousie, l’entreprise Agronativa, de Cieza, a décidé de réguler les « pauses-toilettes ». Pour ce faire, elle a obligé l’ensemble des salarié·e·s désireux de s’y rendre durant leurs heures de travail à porter un badge à la vue de tous indiquant « toilettes ». En 2010, le Daily Mail rapporte qu’en Norvège, selon une étude syndicale sur les « règles tyranniques au sujet des toilettes », 66 % des managers ont instauré un contrôle électronique pour entrer aux toilettes, afin de mesurer la fréquence et la longueur de ces « pauses ».

Droit à la pause pipi : pas une revendication marginale

Se pose alors la question de savoir pourquoi les directions développent une telle obsession à contrôler la vessie de leurs employé·e·s. Dans leur discours, elles estiment que trop de temps est perdu, que les salarié·e·s profitent de l’occasion pour flâner, lire le journal.

Pour faire face à ces limitations, les employé·e·s adoptent des stratégies, la plus courante étant de ne pas boire, avec les problèmes de santé bien connus que cela entraîne : stress, problèmes de salubrité, phobie d’aller aux toilettes, inflammations des reins, graves infections urinaires. Une étude faite sur les conducteurs et conductrices de bus (Guyton et Hall, 1997) souligne que les troubles du système urinaire sont très fréquents à cause de la rétention d’urine dans la vessie.

Le droit à la « pause pipi » n’est pas une revendication marginale : son contrôle fait partie des formes modernes de management et de domination, d’une productivité poussée à l’extrême avec des effectifs toujours plus restreints. A l’heure ou la durée du travail est toujours plus calculée en « temps de travail effectif », soit lorsqu’on est sur son poste de travail, qu’adviendra-t-il de nos besoins physiologiques, de ce qui fait aussi notre humanité ?

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