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Protégeons les salaires, pas les frontières !

L’initiative de l’Union démocratique du centre (UDC) contre l’immigration de masse sera soumise à votation populaire le 9 février. Nous reproduisons ici un extrait du tout-ménage de la CGAS (Communauté genevoise d’action syndicale), dont syndicom est membre. Ce texte critique une initiative qui prétend protéger les travailleurs contre le dumping. En fragilisant les droits des salariés étrangers, elle sert surtout les intérêts des patrons en augmentant ainsi la pression sur les salaires.

L’initiative de l’UDC contre l’immigration de masse prétend protéger les travailleurs suisses contre le dumping salarial, le chômage, les hausses de loyer et les bouchons en réintroduisant le principe du contingentement.

Casser les faibles droits des travailleurs

En réalité, l’initiative de l’UDC vise à casser les faibles droits des travailleurs en accusant faussement les étrangers d’être les responsables du dumping salarial, du chômage, et de tous les autres maux… Ce faisant, l’initiative fait le jeu des intérêts patronaux qui ont utilisé les accords bilatéraux pour accentuer la pression sur les salaires, tout comme ils le font quotidiennement en mettant en concurrence les femmes contre les hommes, les jeunes contre les personnes âgées, les chômeurs contre les salariés en activité.

fausse réponse au dumping

La réintroduction des contingents pour les étrangers fragilisera la position des salariés étrangers sur le marché du travail (les rendant dépendants de n’importe quel emploi pour pouvoir rester en Suisse légalement ou les condamnant à un statut précaire de sans-papiers), la pression sur les salaires s’en trouvera augmentée. Pour lutter contre le dumping salarial, il faut renforcer les droits des travailleurs (de tous les travailleurs). Et il y a urgence à agir !

Créer une main-d’œuvre hyperflexible et jetable

La démagogie de l’UDC n’a pas de limites. Tous les arguments semblent bons pourvu que l’on maintienne l’étranger dans la posture du bouc émissaire expiatoire du dumping salarial organisé par les patrons.

Les initiants ne le cachent pas : ils veulent créer une main-d’œuvre hyperflexible, jetable, à la merci de l’employeur. « Cette initiative offre suffisamment de marge de manœuvre pour introduire une sorte de statut de saisonnier ou des autorisations de séjour de courte durée pour certaines branches comme le bâtiment et l’agriculture. » (Tiré du site Internet de l’initiative).

Or, les statistiques le prouvent : plus le titre de séjour est limité dans le temps, plus le salaire est bas ! Les titulaires d’un permis de courte durée (permis L) gagnent 25 % de salaire en moins que les Suisses, contre 12 % pour les permis B et C et 7 % pour les frontaliers.

Une initiative qui vise à supprimer les mesures d’accompagnement

Les partisans de l’initiative ne veulent pas moins d’immigrés, mais moins de droits pour les immigrés. L’histoire l’a d’ailleurs prouvé : la régulation des permis de séjour n’a qu’un très faible impact sur les flux migratoires, provoquant davantage de travailleurs sans-papiers, contraints d’accepter des salaires plus bas et des conditions de travail moins favorables.

L’initiative de l’UDC, qui vise prioritairement à supprimer les mesures d’accompagnement (salaires minimaux obligatoires, contrôles dans les entreprises et sanctions contre les employeurs fautifs), va donc accentuer la pression sur les salaires en enlevant encore plus de droits aux étrangers travaillant en Suisse.

Halte au dumping salarial !

Il ne se passe plus une semaine sans que la presse ne relate un nouveau scandale de dumping salarial partout en Suisse : des salaires entre 8 et 16 francs de l’heure, voire pas de salaire du tout.

Ces cas ne constituent toutefois que la pointe de l’iceberg : la mise en concurrence des salariés à l’échelle européenne et des attaques patronales répétées contre les intérêts des travailleurs (que ce soit au niveau des salaires comme au niveau des assurances sociales) ont contribué à une détérioration des conditions de vie des salariés en Suisse, au seul profit d’une toute petite minorité de patrons et de top managers.

Comité unitaire de Genève

Sur quoi vote-t-on ?

L’initiative UDC exige que la Suisse plafonne l’immigration et réintroduise des contingents d’étrangers.

Les plafonds et contingents annuels, qui ne sont pas précisés dans l’initiative, sont fixés en fonction des « besoins de l’économie ».

Les plafonds valent pour toutes les autorisations délivrées en vertu du droit des étrangers, domaine de l’asile inclus. Le droit au séjour durable, au regroupement familial et aux prestations sociales peut être limité. L’initiative inscrit le terme de « préférence nationale » dans la Constitution.

Le Conseil fédéral a trois ans depuis la votation pour renégocier les accords internationaux en contradiction avec l’initiative, comme la libre circulation des personnes avec l’UE.

Le retour des saisonniers

Pour construire ses barrages, ses routes et ses tunnels, pour travailler dans les entreprises horlogères ou pour développer son industrie touristique, la Suisse a fait venir la main-d’œuvre étrangère d’Italie, d’Espagne, du Portugal et de l’ex-Yougoslavie. De 1950 à la fin des années 1980, ces travailleurs ont connu des conditions épouvantables de travail, de logement et de vie. Ils étaient soumis au statut particulièrement inique de saisonnier : durée du séjour limité à 9 mois, obligation de rentrer dans le pays d’origine les trois autres mois, interdiction de changer d’emploi, d’avoir son propre logement ainsi que de faire venir son conjoint et ses enfants. Ils vivaient donc à plusieur coincés dans des baraques. Des centaines d’« enfants du placard », peut-être même jusqu’à 5000, devaient vivre cachés. C’est la vie que raconte notamment le film du réalisateur Alvaro Bizzari (Lo stagionale / Le saisonnier, 1971). De 1945 à 2002, Berne a délivré 6 millions de ces permis « A ». Le vote du 9 février nous ramène à cette politique migratoire du statut de saisonnier. (YS)

Sur la vie des travailleurs italiens en Suisse durant les années 50-90, on peut notamment se reporter à deux ouvrages : Morena La Barba, Christian Stohr, Michel Oris et Sandro Cattacin (dir.), La migration italienne dans la Suisse d’après-guerre, Antipodes, 2013 et Raymond Durous, Des Ritals en terre romande, tome 2, Ed. de l’Aire, 2012.

On peut aussi commander les films d’Alvaro Bizzari chez Climage en ligne : www.climage.ch.

En 1971, dans son film Le saisonnier, Alvaro Bizzari raconte comment Giuseppe, saisonnier italien en Suisse, doit cacher son fils puis organise une manifestation pour dénoncer le sort des enfants clandestins.

Veut-on revivre cette époque des saisonniers ? NON le 9 février !

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