Syndicats et paix sociale en France
L’historien Stéphane Sirot a sorti, il y a quelques mois, un petit livre consacré à la loi de 1884 autorisant les syndicats en France. Sirot commence par constater que la postérité mémorielle de ce texte demeure peu importante eu égard aux grandes lois républicaines faisant encore référence et engendrant une certaine fierté nationale comme celles sur l’école. Toutefois, le propos de l’auteur n’est pas de « réhabiliter » une loi méconnue par rapport à d’autres mais plutôt d’en analyser la nature, se focalisant sur le contenu. Sirot saisit bien la logique parlementaire aboutissant à un résultat qui demeure le début d’un processus législatif visant à l’intégration du syndicalisme à la république plutôt qu’un aboutissement. Il montre comment le législateur tente d’organiser un corps intermédiaire et place certaines précautions estimées nécessaires au maintien de l’ordre.
Sortir de la clandestinité
L’histoire sociale devançant souvent l’histoire politique, l’organisation et l’action syndicales sont des faits existant avant leur reconnaissance institutionnelle. Néanmoins, une majorité du corps législatif estime désormais qu’il est préférable de sortir ces regroupements de la clandestinité. La question de la paix sociale demeure essentielle. Ainsi, la volonté intégrative est aussi et surtout une volonté pacificatrice vis-à-vis de la lutte. L’idéal-type se résume en trois mots : tempérance, régulation et cogestion (p. 50). Par ailleurs, les syndicats n’ont pas à s’occuper de politique. Leurs responsables doivent se déclarer aux autorités et être Français. Des restrictions sont établies quant à l’acquisition d’immeubles.
Neutralisation politique
L’historien replace donc sur une longue durée le projet des républicains. Selon lui, la neutralisation politique du mouvement syndical est récente. Elle date du tournant des XXe-XXIe siècles. Aux ardeurs révolutionnaires ou postcapitalistes succède la réalité gestionnaire.
Quant à l’arsenal législatif, il s’élargit à travers le temps. En 1920, par exemple, la capacité juridique des syndicats s’étend en matière de défense de la profession à toute juridiction. L’entrave à la possession d’immeubles est annulée. Les prérogatives augmentent.
A partir de cette époque, se développe aussi la pratique des conventions collectives. En 1946, la grève et le fait syndical deviennent des droits constitutionnels. La crise de Mai 1968 favorise l’implantation dans les entreprises des syndicats par la constitution de sections et de délégués syndicaux.
En définitive, cet ouvrage, écrit dans un style limpide, pose la problématique fondamentale du rapport des syndicats au système, dont la plupart font désormais partie. A l’heure où les sociétés capitalistes semblent en difficulté à différents endroits, cette question paraît particulièrement pertinente.
Stéphane Sirot, 1884, des syndicats pour la République, Le bord de l’eau, 2014 , 114 p.
1er Mai 1891 à Fourmies, petite ville textile du Nord de la France. Les soldats tirent sur les manifestants. Le bilan est lourd : neuf morts. La loi de 1884 reconnaissant les syndicats ne s’est pas immédiatement traduite en paix sociale.