Tamedia supprime 16 postes en Romandie…
En 2014, Tamedia poursuit son plan d’économie de 34 millions de francs et de restructuration annoncé à l’été 2013. Les coupes sont ciblées de façon à éviter les grosses mobilisations. Seize postes à Genève et Bussigny dans la logistique seront supprimés et externalisés. Une trentaine de personnes ont reçu des congés-modification dans le prépresse à Lausanne. Par ailleurs, 25 postes seront supprimés dans les rédactions de journaux régionaux zurichois.
Le 23 janvier 2014, Tamedia Publications romandes (TPR) annonçait qu’un « partenariat est développé avec Naville en matière de distribution de journaux à Genève et sa région. Dès le 1er mai 2014, Naville reprendra la livraison des journaux, assurée jusqu’à présent par le secteur distribution [de TPR]. Cette future collaboration entraînera le licenciement de onze personnes. Naville, au travers de son sous-traitant, favorisera l’engagement de ces collaborateurs. » Si Tamedia parle de « partenariat », c’est sans doute parce que Naville appartient au groupe LS Distribution Suisse qui dépend à 35 % du groupe Tamedia et à 65 % de Lagardère Service. Mais, derrière ce partenariat, il s’agit surtout de l’externalisation d’un service qui ne rapporte sans doute pas du 15 % comme l’exigent les actionnaires.
Chaîne de sous-traitance
Pour se débarrasser de ce service moins ou pas rentable, Tamedia met en place une véritable chaîne de sous-traitance passant par Naville qui sous-traitera ensuite, à notre connaissance, à Transport Express Rodriguez SA, une entreprise située à Meyrin. Pourquoi ce recours à la sous-traitance en cascade ? Comme l’indique la sociologue Annie Thébaud-Mony dans son livre Travailler peut nuire gravement à la santé (p. 23), « après avoir licencié massivement, [les grandes entreprises] recourent à la sous-traitance et à l’intérim. Cela leur permet de faire des économies sur les salaires, la formation, la retraite… et les accidents du travail » ! Même si le sous-traitant du sous-traitant annonce favoriser l’engagement des licenciés de Tamedia, il est sûr que les conditions en termes de salaire, de vacances et de retraite seront bien péjorées.
Désorganisation du travail
L’externalisation permet également de sortir un certain nombre de travailleurs du périmètre du CCT, les sous-traitants non signataires ne se sentant pas forcément liés par les obligations contractuelles de leurs donneurs d’ordre. Cette « désorganisation du travail », selon la formule de Thébaud-Mony, n’est pas sans conséquences : érosion des droits des travailleurs, leur mise en péril, mais aussi atteintes à la dignité.
En plus de ces onze licenciements, cinq postes vont également être supprimés comme l’a indiqué Tamedia. « Le travail du service ‹ poids lourds › de Tamedia Publications romandes sera quant à lui externalisé et confié à l’entreprise Morand Services et Transports à Ecublens. Cinq chauffeurs [de TPR], basés à Bussigny, se verront proposer une offre d’engagement par Morand Services et Transports ou une retraite anticipée. »
Fortune en hausse de… 40 % !
Tamedia affirme qu’il mettra en place un « plan social » pour tous les collaborateurs concernés. Il faut remarquer que le « plan social » unilatéral de Tamedia n’a plus rien à voir avec celui négocié lors des licenciements collectifs du temps d’Edipresse, plan appliqué jusqu’en octobre 2013. Dès lors, syndicom a demandé à Tamedia que de véritables négociations aboutissent rapidement et attend la réponse avec impatience. syndicom se battra aux côtés des salariés pour défendre leurs droits.
La multiplication de ces mesures d’économie pourrait bien conduire à une nouvelle mobilisation. En particulier quand on apprend que, loin de crier famine, les propriétaires de Tamedia, les familles Coninx-Supino, ont vu leur fortune croître de 500 millions l’an passé, soit 40 % en un an, frôlant les deux milliards (Bilan, 29.11.2013). Avec une hausse de 40 %, nous sommes bien au-delà de la déjà insensée exigence d’une marge de rentabilité de 15 % pour le groupe Tamedia.
Externalisation et responsabilité solidaire
Comme le montre ce recours à l’externalisation et à une cascade de sous-traitants par Tamedia – mais le problème est de plus en plus fréquent à la Poste et chez DPD par exemple – syndicom devra lutter pour imposer dans nos branches le principe de la « responsabilité solidaire » entré en vigueur le 15 juillet 2013 pour la construction, le génie civil et le second œuvre. Selon ce principe, l’entrepreneur contractant est tenu responsable du non-respect des conditions de travail et de salaire par le sous-traitant direct s’il a omis de faire signer à ce dernier un contrat écrit l’obligeant à respecter les conditions de travail et de salaire en Suisse. Il faudra en outre que, au-delà de la simple signature, l’application par le sous-traitant soit vérifiée avec des sanctions à la clé. Pour renforcer ce principe, après Bâle et Soleure, les partenaires sociaux de la plâtrerie-peinture romande ont instauré depuis le 1er janvier un système de caution (de 5000 à plus de 20 000 francs) pour toutes les entreprises voulant travailler dans la branche. Elle permet de sanctionner les fraudeurs. En outre, depuis le 1er février, les entreprises répondant à une offre des collectivités publiques du canton de Vaud pour un marché public devront désormais donner le nom de l’ensemble de leurs sous-traitants et seront garantes, sous peine d’amende, que ces derniers respectent les conditions de travail et de salaire en vigueur. (YS)