TIC en constant changement – un défi
Les TIC, acronyme bien connu dans la branche des télécoms pour parler des technologies de l’information et de la communication, sont en pleine évolution. Quelles sont les implications de ces bouleversements sur les salarié·e·s et comment se positionne syndicom ? Le point avec Giorgio Pardini (photo), responsable du secteur Télécom / IT à syndicom.
Passage à la fibre optique, accélération de l’accès à internet avec le 4G / LTE (Long Term Evolution), vidéo à la demande sur téléviseur ou appareil mobile. Les technologies de l’information et de la communication, sont en pleine évolution. Que deviennent les salarié·e·s dans ces chamboulements ? Entretien avec Giorgio Pardini, responsable du secteur Télécom / IT à syndicom.
Le nouveau réseau de téléphonie mobile LTE (4G) fonctionne depuis aujourd’hui. Les clients se réjouissent. En quoi est-ce important pour les employés de Swisscom, Sunrise, Orange & Cie ?
Giorgio Pardini : L’une des caractéristiques de la branche est l’évolution rapide et continue de la technologie. Le réseau fixe conventionnel joue un rôle technologiquement décroissant, même s’il reste encore le plus important. Les nouvelles technologies de transmission et la convergence des technologies, c’est-à-dire la fusion des services numériques comme le son, l’image, les données, la vidéo font naître de nouvelles prestations. Il s’ensuit une érosion des prix des produits traditionnels. Les services offerts sur le réseau câblé fixe en cuivre sont de moins en moins rentables, les offres triple play remplacent les abonnements séparés habituels, les services gratuits comme Whatsapp remplacent les textos etc.
Ne téléphone-t-on pas beaucoup plus ? Dans la rue, presque chacun tient un téléphone mobile à l’oreille, le volume ne compense-t-il pas l’érosion des prix ?
La Suisse compte désormais plus de téléphones mobiles que d’habitants. Mais la téléphonie traditionnelle ne sera plus la grande vache à lait. Au contraire, elle fera bientôt partie de l’histoire. Les fournisseurs se livrent une funeste guerre des prix au sujet de laquelle syndicom a une opinion claire : derrière chaque franc, il y a en fin de compte un employé. Celui qui veut payer de moins en moins pour les prestations fournies met en danger les emplois en Suisse.
Quelle est l’influence de la nouvelle fréquence LTE (4G) sur les prix ?
Les immenses investissements constituent un facteur important. Swisscom investit 1,7 milliard pour la technologie à large bande et il paraît que Sunrise investirait aussi environ un milliard ces prochaines années. Les trois fournisseurs Swisscom, Sunrise et Orange ont dû dépenser un milliard supplémentaire pour acquérir les nouvelles fréquences. L’importance des investissements montre que nous avons affaire à un marché de croissance. Toutefois, il faut vraiment se demander si la Confédération a fait le bon choix en faisant monter les enchères si haut. En dernier ressort, elle ne fait que soustraire aux fournisseurs des fonds que ceux-ci pourraient utiliser pour investir. Sans investissements dans les infrastructures, et les réseaux de téléphonie mobile en font partie, les fournisseurs n’ont aucune perspective sur ce marché. Il serait plus raisonnable, au lieu d’abaisser la fiscalité des entreprises, d’introduire un impôt sur les transactions financières et, en échange, d’attribuer les fréquences à des prix économiquement raisonnables.
Quelles sont les retombées pour les employés ?
Le changement constant et rapide demande une grande flexibilité aux employés, une formation et un perfectionnement permanents et le goût de la nouveauté. Pour qu’il ne se fasse pas au détriment des employés, il faut établir des règles du jeu sur le marché des télécoms, règles qu’il faut faire évoluer en permanence. Pour anticiper l’évolution technique et nous y préparer, un partenariat social constructif avec de bonnes CCT et des possibilités exemplaires de participation des organes de représentation du personnel et des syndicats sont nécessaires.
Les nouvelles technologies entraînent-elles généralement une diminution des emplois ?
Certes, on supprime des emplois dans les « vieilles » technologies, mais les entreprises en créent dans les nouvelles. En fin de compte, la branche s’accroît. Nous avons désormais ancré dans les CCT des instruments offrant de nouvelles perspectives aux personnes touchées par les suppressions d’emplois. Ces instruments comprennent notamment la formation et le perfectionnement continus, la préretraite progressive, les retraites anticipées, l’accompagnement et l’assistance actifs dans la recherche d’une nouvelle activité professionnelle équivalente dans l’entreprise ou hors de celle-ci.
Que signifient au juste l’accompagnement et l’assistance actifs ?
Cela signifie que les personnes concernées entrent en temps opportun dans une phase de reconversion professionnelle, comme par ex. chez Swisscom, avec un plein salaire et accompagnées par l’entreprise, souvent pour une période de six ou sept mois, parfois jusqu’à deux ans, pour se réorienter ensuite. Dans le cas de Sunrise, les personnes concernées ne resteront pas forcément dans la même entreprise, parce que la marge de manœuvre y est nettement plus petite. Mais Swisscom réinsère la plupart des personnes dans d’autres secteurs. Pour cette raison, nous ne commentons généralement pas les chiffres publiés des suppressions d’emplois, parce que, grâce aux processus appliqués en amont, ils sont significativement réduits. Le projet Triathlon, que nous avions refusé, concernait initialement 1400 personnes selon les communiqués publiés, mais aujourd’hui, ce nombre dépasse à peine la centaine et le processus n’est pas encore achevé.
syndicom participe-t-il à la planification du personnel de Swisscom ?
Oui, et c’est un cas exemplaire en Suisse : à partir du 1er janvier prochain, nous serons associés à la planification stratégique du personnel chez Swisscom. Il s’agira d’analyser en commun les domaines susceptibles d’être confrontés à des suppressions d’emplois ces prochaines années en raison des progrès techniques ou des changements sociétaux et ceux où de nouveaux emplois seront créés. Ainsi, il deviendra possible de mettre en œuvre, à titre préventif, des mesures de reconversion professionnelle auprès des personnes concernées. Le plan social interviendra désormais au début d’un processus de réorganisation et non après la fin de ce dernier. Lors de l’application concrète, la représentation du personnel sera impliquée encore plus qu’aujourd’hui.
Que faire si une entreprise se comporte différemment ?
Hewlett Packard (HP) a refusé pendant quatre ans d’admettre la création d’un comité d’entreprise. Par l’intermédiaire de l’opinion publique et des médias, nous avons exercé une pression qui a finalement poussé HP à organiser des élections démocratiques pour introduire une représentation du personnel, Les entreprises ne doivent pas sous-estimer le fait que le grand public est sensible au comportement social d’une entreprise, et que ce point est souvent déterminant, pour la clientèle suisse, dans le choix d’un produit ou d’un service.
La délocalisation à l’étranger est un problème d’une autre nature.
La force du franc a entraîné une accélération de la rationalisation et de l’automatisation. Il est impossible d’ignorer le marché en faisant de la politique syndicale. Je préfère garder deux cents emplois en Suisse après une rationalisation plutôt que de voir toute l’entreprise déménager à l’étranger. Par ce moyen, une partie de la création de valeur ajoutée reste en Suisse.
Cette politique ne mène-t-elle pas au paradoxe que le syndicat appuie la réduction d’emplois ?
Nous ne soutenons évidemment pas la réduction d’emplois, mais nous ne pouvons pas fermer les yeux devant la réalité. Nous devons tout faire pour que la valeur ajoutée créée par les délocalisations soit réinvestie en Suisse, comme site de production, et ne soit pas empochée par des actionnaires anonymes.
Le syndicat ne décide pas où une entreprise paie ses dividendes.
Mais nous savons lire les bilans et négocier entre partenaires sociaux. Les bailleurs de capitaux en arrière-plan ont tout intérêt à rentrer dans leurs fonds. Il suffit de penser au réseau de fibres optiques où des milliards seront investis ces prochaines années. De tels investissements créent des valeurs réelles, des emplois durables et non des bulles boursières.
Ce marché existera-t-il encore dans dix ans ? Sur le plan technique, peu importe où sont situés les serveurs de ces entreprises et qui fabrique nos appareils de communication.
Le produit est global, mais les services sont locaux. De plus, la Suisse est prédestinée pour de nouvelles offres comme l’informatique dématérialisée. Nous disposons d’une situation politique et sociale stable, d’une main-d’œuvre spécialisée très bien formée, d’un partenariat social fonctionnant bien pour l’essentiel et d’une infrastructure de qualité. Ces avantages compétitifs importants sont utiles non seulement aux entreprises, mais aussi aux employés. Dans ce contexte, la politique syndicale représente plus que la célébration de mécanismes de défense et le maintien des droits acquis. Elle consiste à coopérer au modelage de l’évolution permanente de notre société, pour que chacun puisse mener une vie dans la dignité, à l’avenir également.
Bons résultats de la téléphonie suisse au 3e trimestre
Swisscom annonce certes une baisse de son bénéfice net de 1,2 % à 1,4 milliard de francs pour les neuf premiers mois de 2012. En partie sans doute à cause de l’augmentation de ses investissements de 36,1 % en Suisse. Son bénéfice avant amortissement (Ebitda), en baisse de 0,7 % à 3,36 milliards, devrait atteindre sur l’année le montant impressionnant de 4,35 milliards de francs. Soit une très belle marge de rentabilité de plus de 35 % ! Et le nombre de nouveau clients s’est accru de 9,2 %.
Le bénéfice avant amortissement de Sunrise a crû de 5,1 % à 489,3 millions de francs. Les licenciements et fermetures de shops permettront en outre d’économiser 2,4 millions en 2012 et 23,8 millions en 2013 mais pèseront pour près de 15,6 millions sur les résultats du 4e trimestre. Le nombre de clients a progressé de 9 % dans la téléphonie postpaid mobile.
De son côté, Orange enregistre une hausse de 10,5 % de son Ebitda à 292 millions. La marge de rentabilité de 31 % devrait ainsi réjouir les actionnaires du fonds d’investissements anglais Apax Partners. Orange connaît une hausse de 4,2 % du nombre de ses clients.
Yves Sancey