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Travailler à une alternative au capitalisme

Christian Tirefort vient de publier un « Manifeste pour un nouveau contrat social ». En renouvelant radicalement un certain nombre de concepts de la gauche, il procède à une analyse implacable du capitalisme. Il propose d’intéressantes pistes de réflexion pour penser une alternative à ce « système à bout de souffle ». Un autre rapport au travail que l’emploi capitaliste est possible. Yves Sancey

Bon nombre de nos lecteurs et lectrices connaissent bien Christian Tirefort, typographe puis imprimeur et ancien président du Syndicat du Livre et du papier puis de comedia. A la retraite depuis quelques années, il a pu se plonger dans l’écriture de ce Manifeste en puisant dans sa riche expérience et de nombreuses discussions menées au sein de La Gauche. S’inscrivant dans la grande tradition du manifeste politique, le livre parle au nom des communistes et des démocrates conséquents et utilise la première personne du pluriel. Le titre est un clin d’œil à l’apport de Marx dans sa formation intellectuelle, mais également à son rapport critique à la vulgate marxiste, d’où l’ouverture au « Contrat social » de Rousseau dont on a fêté le tricentenaire en 2012. « Les deux termes montrent que nous ne nous alignons ni derrière l’un ni derrière l’autre. Mais nous créons quelque chose de nouveau », nous a confié Tirefort.

La première partie de son ouvrage, tranchante, trace un bilan très noir de la période actuelle marquée par une faillite économique, un désastre social doublé d’une débâcle écologique. Tirefort constate l’échec des stratégies réformistes impuissantes à combattre la séquestration du travail par le capital, l’accaparement systématique par les capitalistes des surplus sociaux et de la productivité issus du travail des peuples. Un travail, comme l’indi­que le sous-titre de son livre, qu’il faut « réhabiliter en le libérant de l’emploi capitaliste ». L’auteur distingue ainsi clairement le travail de l’« emploi capitaliste », donc de ce qu’en fait le capital. Il y a d’autres rapports au travail possibles que celui basé sur la compétition et le culte de l’intérêt individuel, indique Tirefort. Pour lui, notre culture, celle des peuples, est basée sur la faculté de faire humaine, de plus en plus productive, qui devrait conduire à vaincre la précarité et à la suppression des obstacles à la coopération. « Pour les travailleurs, nous dit-il, se libérer de l’emprise du capital, c’est reconquérir le contrôle de ce qui changera le monde, se réapproprier la mise en œuvre de leur faculté de faire ».

La deuxième partie du livre intitulée « Sans le capital, tout devient possible », dont on peut regretter qu’elle n’occupe pas davantage de place dans l’ouvrage, vise à présenter le projet de cette ébauche d’une alternative – une société où les travailleurs coopèrent à la place d’être soumis à la compétition mortifère actuelle. Pour fédérer le plus grand nombre autour de la possibilité d’un dépassement du capitalisme, il faut trouver et promouvoir des valeurs universelles qui vont supplanter celles des capitalistes : la coopération à la place de la compétition, le travail vu comme faculté que nous portons tous en nous et non comme une vulgaire marchandise, la justice, la dignité, le respect de l’autre, le respect de la vie et de la nature.

L’alternative au capitalisme passera par un travail collectif de définition d’un nouveau contrat social libéré du capital. Selon ce contrat, chaque travailleur sera un coopérateur qui, en échange de sa participation à la production sociale, pourra accéder aux biens communs qui seront des produits du travail de tous. Pour cela, comme le dit Tirefort dans son épilogue, il faudra redéfinir « le travail, le salariat, la démocratie, la mutualisation et finalement la juste distribution des fruits du travail humain. » Vaste chantier sans doute, auquel il faut s’atteler dès aujourd’hui. Tirefort a suffisamment confiance dans la créativité humaine qui se libère quand les peuples coopèrent dans leurs diversités : « La responsabilité d’imaginer comment une société sans capital peut produire et échanger nous incombe. Nous concevrons cet autre monde. […] C’est cela qui doit dicter notre but : que le peuple conquière le pouvoir sur son activité. » Evidemment, pour y arriver, il reste encore bien du travail.

Christian Tirefort, Manifeste pour un nouveau contrat social. Réhabiliter le travail, c'est le libérer de l’emploi capitaliste, Ed. L’Harmattan, Paris, 2013, 231 p., 35 fr. dans les librairies comme Le Boulevard à Genève, Basta ! à Lausanne, Fahrenheit 451 à Yverdon, la Librairie du Midi à Oron ou La Vouivre à Saignelegier.

Pour écouter notre entretien
avec Christian Tirefort, consultez le site

www.lalanguedesbois.ch

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