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L’ATS, une agence au service de la cohésion et de la démocratie

L’agence de presse suisse Keystone-ATS joue un rôle fondamental pour la cohésion du pays et la libre formation de l’opinion publique. C’est pourquoi elle doit être encore davantage soutenue en temps de crise et de désinformation.

31.01.2018 Grève de l'ATS à Berne - visite de solidarité à la RTS à Lausanne

Federico Franchini

J’écris régulièrement pour la newsletter du média romand Gotham City au sujet de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Domicilié au Tessin, j’ai la chance de me trouver à proximité du Tribunal pénal fédéral, qui a été institué en 2004 à Bellinzone en raison de la réorganisation judiciaire fédérale. La décision a fait des mécontent-e-s, surtout parmi les accusé-e-s, avocat-e-s et procureur-e-s qui doivent se rendre au Tessin pour un procès. Et parmi les journalistes. Mis à part des cas de grand intérêt médiatique, la salle de presse du Tribunal est souvent tristement vide. A une exception près : l’Agence télégraphique suisse (ATS) est toujours présente aux débats.

Les procès sont longs, parfois ennuyeux, mais aussi édifiants et riches en rebondissements. Les suivre est impératif, car la justice doit rester transparente. Cependant, sans l’ATS, les procès pour blanchiment d’argent ou corruption seraient pour les parties une sorte de rituel qui se déroule dans l’ombre. Pour reprendre les paroles de l’auteur et du reporter Tiziano Terzani, « l’histoire n’existe que si quelqu’un la raconte. S’il n’y a personne qui la recueille, qui l’écrit, qui prend une photo, qui laisse une trace dans un livre, c’est comme si ces faits n’étaient jamais arrivés. »

Le service public médiatique

Ce seul exemple montre l’importance du travail accompli par les collègues de l’ATS. Un travail, réalisé 24 heures sur 24, 365 jours par an, et dans les trois langues nationales par une équipe de professionnel-le-s dont on ignore le nom. Les noms des rédacteurs et rédactrices n’apparaissent pas sur les quotidiens : leurs articles portent en bas de page le seul sigle de l’agence fondée en 1895 et connue pour sa pondération et son impartialité. L’ATS assume une tâche essentielle de service public et est nécessaire à la démocratie fédérale, car elle couvre des événements politiques, judiciaires, économiques, sportifs et culturels, qui échapperaient sinon au quatrième pouvoir.

Une tâche mise en danger par la logique du profit

Depuis ces dernières années, l’ATS est de plus en plus sous pression. En hiver 2018 s’est produit en Suisse l’impensable : une grève. Le conflit a été causé par l’annonce de la suppression d’une quarantaine de postes en raison de la fusion avec Keystone. Cette fusion a ensuite été avalisée par les actionnaires, tant et si bien qu’on parle aujourd’hui de Keystone-ATS. Dont les principaux actionnaires sont l’agence autrichienne APA (30 %) et TX Group (24,4 %). La fusion a suscité des inquiétudes, notamment parce que la nouvelle entité est désormais une société par actions privée, qui n’est responsable que devant ses actionnaires. L’impact s’est déjà fait sentir : de 2018 à 2020, le nombre de postes à plein temps a diminué de 216 à 174 et le chiffre d’affaires de 43 à 37 millions de francs. Cette baisse est due à divers facteurs, notamment au fait que les actionnaires – qui sont aussi les éditeurs – ont incité à réduire les tarifs ou à résilier les abonnements.

Au cours de ces dernières années, la Confédération a toutefois soutenu Keystone-ATS. En 2021, l’agence a reçu une contribution de 4 millions de francs. A ces aides pourrait venir s’ajouter une part des moyens que la Confédération compte allouer via le paquet d’aide aux médias. Il s’agit des 23 millions dont bénéficierait « l’ensemble de la place médiatique suisse » via le soutien aux agences de presse. Ces contributions sont indispensables.

Mais un autre problème – celui de la baisse des recettes publicitaires – ne se laisse pas dissimuler. Ou le fait que ces recettes sont peu à peu transférées vers des multinationales telles que Google et Facebook. En Suisse, le marché publicitaire cède environ 1,4 milliard de francs par an aux géants de l’Internet. Cette perte entraîne des coupes, des fermetures et des concentrations, sans oublier la pression sur le travail des rédactions. Cela, à son tour, se répercute, également sur Keystone-ATS. Pour inverser cette tendance, l’agence de presse française AFP et Google ont signé un accord de cinq ans, par lequel le géant américain s’engage à payer l’AFP pour utiliser ses contenus. Pourrait- on s’en inspirer aussi en Suisse ?
 

Dossier paquet d'aide aux médias

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